Dans
Le Devoir d’aujourd’hui, l’article de
Robert Dutrisac, « Le français, non merci », rend compte d’une étude
de Jean Ferretti (Le Québec rate sa cible)
sur la francisation et l’intégration des immigrants.
Extrait
du texte de Robert Dutrisac :
[…] les immigrants de
langue maternelle latine ou originaires de la Francophonie, quelle que soit
leur langue maternelle, sont enclins à adopter le français, alors que c’est
l’inverse pour les immigrants de langue maternelle non latine. Depuis 1971, la
proportion des immigrants de langue latine qui adoptent le français a augmenté
à 87 %, tandis que le transfert vers le français des immigrants de langue
non latine est resté le même en 30 ans, à 15 %.
Ainsi 88 % des Latino-Américains et 90 %
des Arabes installés au Québec connaissent le français, alors que plus de
40 % des Chinois et des Sud-Asiatiques ne connaissent pas le français.
La rédaction du texte laisserait croire que l’arabe
serait une langue latine, ce qui est évidemment faux. Et je ne crois pas que
cette ambiguïté doive être attribuée au chercheur.
En fait, nous avons affaire ici à la reprise d’une catégorisation
proposée dans les années 1980 par Charles Castonguay dans ses études sur l’assimilation
linguistique. Pour Castonguay, les francotropes, venant d’anciennes colonies ou
protectorats de la France (Maghreb, Viêt-Nam, Laos, Cambodge, Afrique subsaharienne, etc.) et de pays de
langue romane (Amérique latine, Roumanie, etc.) étaient plus portés à se
tourner (τρόπος, « tour ») vers
le français. En revanche, les anglotropes venaient de pays relevant de l’aire culturelle
anglaise ou américaine et s’intégraient donc plus facilement à la minorité
anglophone du Québec.
Mais l’évolution politique des pays qualifiés de
francotropes il y a 30 ans les a pour plusieurs éloignés d’une pratique sociale
répandue de la langue française, spécialement en Asie du Sud-Est. À tel point
que l’Agence universitaire de la Francophonie, dont le mandat concerne en
principe les universités, doit maintenant prendre en charge des classes
bilingues dans les collèges et les lycées de plusieurs pays naguère francotropes
pour assurer la relève d’une élite universitaire francophone :
Il s’agit d’aider les
pays nouvellement adhérents à la francophonie, par des programmes de relance et
de renforcement de l’enseignement du français et de l’enseignement en français
et d’offrir ainsi à la jeunesse la possibilité de faire en langue française
toute leur scolarité de la première classe de l’école primaire au doctorat
d’université. Cette relance et ce renforcement se réalisent dans le cadre de
cursus intégrés aux systèmes éducatifs nationaux. L’Agence Universitaire de la
Francophonie, en réponse aux demandes de pays francophones de la péninsule
indochinoise, du Monde Arabe, de la Caraïbe, du Pacifique-Sud et d’Europe
Centrale et Orientale, a développé dans l’enseignement primaire et secondaire
des programmes spécifiques :
• Classes bilingues
en Asie Pacifique (Cambodge, Laos, Vietnam) et en Europe centrale et orientale
(Moldova)
• Classes à français
renforcé en Haïti et au Vanuatu
(Source : AUF, Les classes bilingues au Viêt-Nam)
La catégorisation francotrope /anglotrope peut être
utile dans l’étude de l’intégration linguistique des immigrants au Québec mais
sa définition doit être revue pour tenir compte de l’évolution sociopolitique
mondiale des dernières décennies.