J’ai lu l’autre jour le billet d’un
grogniqueur qui me reprochait de parler des anglicismes sur le ton de la
condamnation. Il visait en particulier mon billet sur « frapper un mur ».
Or, il se trouve que mon texte était uniquement descriptif, sans même de
proposition pour remplacer le calque. Ce qu’a d’ailleurs fort bien compris un
lecteur pour me le reprocher. Était aussi visé un article de Lionel Meney sur
le même sujet. Il se terminait pourtant par ces mots qui sont loin d’être une
condamnation ferme du calque :
Dans la publicité québécoise, la jeune femme ne
« frappe pas un mur », elle « se heurte à un mur », ce qui
l'empêche de rejoindre le jeune homme. La seconde formulation est
linguistiquement plus correcte mais, en contexte québécois, la première est
expressivement bien plus forte…
Aujourd’hui encore, je vais parler d’anglicismes
sur le mode descriptif.
J’ai noté depuis plusieurs semaines qu’à la
télévision et à la radio publiques on utilisait couramment l’expression « bris
de service » (dans les hôpitaux). Le journaliste du Devoir Michel David me semble à peu près seul à lui préférer « rupture
de service ». Nos médias parlent aussi beaucoup de « plan de
contingence » (contingency plan).
Une lectrice m’a communiqué qu’elle avait
entendu Olivier Véran, ministre de la Santé et des Solidarités de France, dire « à
date ». J’avais déjà noté l'apparition de cette expression en France depuis quelques mois. Je l’ai
entendue dans la bouche du premier ministre Jean Castex et dans
celle du président Macron. Pas étonnant, au fond, de la part de celui qui
se veut le président de la Start-Up Nation. Je crois que l'origine doit en être cherchée dans la langue des bureaucrates de Bruxelles (voir mon billet du 28 juillet 2016).
J’ai entendu la semaine dernière Jean
Castex employer le verbe « booster ». Il a aussi parlé des citoyens « éligibles »
à la vaccination. Ce dernier adjectif est devenu tout à fait courant en France,
le ministère de la Santé l’utilise même dans ses publicités.
Et le professeur Raoult (IHU Marseille) parle
couramment d’« évidences » (preuves) scientifiques.
Il y a plusieurs années, en lisant Le français et les siècles (1987), j’avais
constaté que plusieurs des anglicismes que Claude Hagège signalait comme
récents en France étaient depuis longtemps bien connus au Québec. Les Français
continuent d’emprunter les mêmes mots anglais que nous, mais avec quelques
décennies de retard.