samedi 26 avril 2014

La langue d’Usito


Perles trouvées dans la dernière livraison de l’Infolettre Usito (avril 2014) :

• Et il [ce terme, le mot Pâques] change de genre et de nombre selon qu’il soit ou non accompagné d’un adjectif ou d’un déterminant.

• Usito partage les nuances de graphie, de genre et de nombre des mots et les illustre de plusieurs exemples.

• Il fait part également de l’étymologie des termes, source de leur création.


Et dire que ça veut nous apprendre à écrire le français !

mercredi 23 avril 2014

Maryse ou spatule ?


Un lecteur a porté à mon attention le cas de la fiche « maryse » du Grand Dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française : « spatule de caoutchouc permettant de racler un récipient ». La fiche ne mentionne pas que ce nom est une marque déposée. Wikipedia, encore une fois plus complet que le GDT, ajoute qu’« aujourd'hui, dans certains pays ou régions, on appelle […] improprement toutes les spatules souples des ‘ maryses ’ ».


Pour la petite histoire, rappelons qu’un juge de la Cour supérieure a donné raison au directeur de l'état civil qui refusait le mot « Spatule » comme prénom : « Aux parents qui invoquaient le droit à l'originalité, le juge a répliqué que " ce nom est d'abord celui d'un objet commun auquel n'est rattaché aucune qualité exceptionnelle ; celui d'une fleur pas particulièrement prisée ; et celui d'oiseaux échassiers au bec long et plat. L'intérêt de l'enfant doit prévaloir sur le souci d'originalité des parents " » (source : http://www.lesprenoms.net/codecivil.html).


lundi 21 avril 2014

Inquiétude sur la situation du français à Montréal


Dans Le Devoir du samedi 19 avril 2014, Mme Louise Corriveau, sociologue retraitée de l’enseignement, s’inquiète de la situation du français à Montréal. Cliquer ici pour lire son texte et mon commentaire (à 9 h 33).


samedi 19 avril 2014

Le Cabinet d’Endogénisation (lettre persane)



(Pour lire la précédente lettre persane, cliquer ici)


Rica à Usbek


Je t’ai déjà parlé d'une espèce de tribunal qu'on appelle l'académie française. Il n'y en a point de moins respecté dans le monde : car on dit qu'aussitôt qu'il a décidé, le peuple casse ses arrêts et lui impose des lois qu'il est obligé de suivre.


On a décidé dans le Nouveau Monde de suivre cet exemple mais sur un plus petit pied. Il existe à Québec un Cabinet d’Endogénisation pour déterminer les mots qui doivent être naturalisés en ce pays, ce qui est source de disputes continuelles. Car, en matière de langue, plus le sujet de la dispute est léger, plus elle devient violente ; elle prend des forces à mesure de la petitesse du sujet, le feu manque de nourriture mais il s’allume toujours. Je t’en donne pour preuve ce qui se passa à la séance du Cabinet d’Endogénisation à laquelle mon vieux dervis m’avait convié.


Mardi dernier au matin, dès que j’arrivai, mon dervis me mena promptement dans une salle de son couvent aux murs fort épais pour que l’on n’entende pas du dehors les disputes qui s’y produisent continuellement. Car c’est là que se réunit le Cabinet d’Endogénisation. Il est composé d’une demi-douzaine de membres, dont deux dervichesses. Il avait à trancher ce jour-là de la requête présentée par un lieutenant général blanchi sous le harnois. Cet officier de justice a l’habitude de présenter de semblables requêtes. Le président du Cabinet transmet alors l’affaire à un petit clerc qui fait office de greffier et le charge de rédiger une relation qui invariablement donne tort au lieutenant général.


Il était question ce jour-là de la demande d’interdire sur les écriteaux de la voie publique le mot destour pour y mettre à la place le mot desviation. Le petit clerc lut sa relation qui concluait que dans tout le Nouveau Monde on n’utilisait que le mot destour et que conséquemment le mot desviation devait être considéré comme ultramarin et à ce titre frappé d’interdit. (On m’a rapporté que cela était aussi l’opinion du Grand Voyer.) Le premier membre du Cabinet à opiner fut un précepteur de Ville-Marie. Il abonda dans le sens du petit clerc. Lui succéda un personnage respecté dans la Colonie parce qu’il avait été de nombreuses années truchement avec les Sauvages et les Anglais. Cet homme fit valoir que les Français du Canada n’avaient pas à copier les habitudes des colonies anglaises et qu’au contraire ils devaient s’en distinguer. Le reste des membres du Cabinet se partagea également entre ces deux opinions. Le président de ce singulier tribunal décida alors de donner raison au petit clerc. Le truchement et les deux dervichesses qui étaient de l’avis du lieutenant général se mirent à ce moment à clamer haut et fort leur indignation et leur désaccord et à insister pour que le président revînt sur sa décision. N’obtenant pas satisfaction, ils démissionnèrent sur le champ.


L’affaire fait grand bruit et on me conte qu’elle est déjà parvenue jusqu’à l’intendant du Roy qui, exaspéré de ces querelles répétées, aurait décidé de construire de petites maisons pour y loger tout ce beau monde.


Voilà des bizarreries que l'on ne voit point dans notre Perse. Nous n'avons point l'esprit porté à ces établissements singuliers et bizarres ; nous cherchons toujours la nature dans nos coutumes simples et nos manières naïves.


Il faut que je te dise aussi qu’il est arrivé ici beaucoup de femmes du pays des Panis ; j'en ai acheté une pour ton frère le gouverneur de Mazendéran. Je te l'avoue, je sens en moi-même une joie secrète quand je pense aux charmes de cette belle personne : il me semble que je la vois entrer dans le sérail de ton frère; je me plais à prévoir l'étonnement de toutes ses femmes : la douleur impérieuse des unes ; l'affliction muette, mais plus douloureuse, des autres ; la consolation maligne de celles qui n'espèrent plus rien ; et l'ambition irritée de celles qui espèrent encore.


De Québec, le 15 de la lune de Rebiab 1714


vendredi 18 avril 2014

Impératif français réclame lui aussi un bilan à l’OQLF


Extrait de l’article « OQLF : Impératif français exige un bilan sur la langue », Le Devoir, 18 avril 2014 (Presse canadienne) :

Le président d’Impératif français accuse l’Office québécois de la langue française (OQLF) de bâcler son travail et s’inquiète de l’absence d’un « véritable » bilan quinquennal, surtout dans le contexte de l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement qu’il qualifie de « défrancisant ».

Jean-Paul Perreault a envoyé jeudi une lettre afin de demander au premier ministre élu, Philippe Couillard, de faire pression sur l’OQLF pour lui réclamer son rapport quinquennal de 2013.

Le dernier bilan produit par l’organisme remonte à 2008.


Voir mes billets :


vendredi 11 avril 2014

Ma cabane à sucre au Canada



Le mot [courriel] est, en fait, très spécifiquement québécois, au départ du moins, la terminologie étant, avec le sirop d'érable, l'une des deux spécialités de la Belle Province.
Robert Chaudenson, « Email, mél ou courriel ? Le français à nouveau sur le tapis », Mediapart, 21 mai 2013


Faute sans doute d’avoir goûté aussi à notre poutine, le linguiste français Robert Chaudenson a affirmé dans plusieurs écrits que le Québec avait deux spécialités principales, la terminologie et le sirop d’érable. L’OQLF semble bien lui donner raison puisqu’on peut voir ces jours-ci sur sa page d’accueil la conjonction de ces deux spécialités :

L'Office québécois de la langue française vous invite, à sa manière, à la cabane à sucre en vous offrant quelques sucreries à déguster dans son Grand dictionnaire terminologique : érablière, sucrier, sirop d'érable, tire d'érable, sucre du pays...



jeudi 10 avril 2014

Le tribunal a rendu sa décision


Depuis l’avis détaillé publié par le Conseil de la langue française en 2000, on savait de façon sûre que l’Office québécois de la langue française ne pouvait obliger une entreprise à ajouter un descriptif en français (ou un terme générique français) à une marque de commerce anglaise que l’entreprise utilisait comme nom. Malgré tout, l’Office affirmait dans un communiqué le 13 novembre 2011 : « Respecter la Charte de la langue française dans l’affichage d’un nom d’entreprise, c’est au minimum afficher un descriptif en français lorsqu’on affiche une marque de commerce dans une autre langue. » 


La Cour supérieure du Québec vient de débouter l’Office. Extrait de l’entrefilet paru aujourd’hui dans Le Devoir :

Les multinationales du détail Best Buy, Costco, Gap, Guess et Walmart n’auront pas à franciser leur nom, a statué mercredi la Cour supérieure du Québec. Le tribunal conclut que l’affichage d’une marque de commerce de langue anglaise ne contrevient pas à la Loi 101 ou au règlement sur la langue du commerce et des affaires. L’Office québécois de la langue française avait menacé de retirer le certificat de francisation de ces entreprises si elles refusaient d’ajouter un générique français à leur raison sociale au Québec.


Voir mes billets :



mardi 8 avril 2014

Qu’est-ce qu’un démolinguiste ? Une réaction



Mon ami Michel Paillé me communique sa réaction à la lecture de mon billet « Qu’est-ce qu’un démolinguiste ? »



Je suis d’accord avec toi. Et j’irai plus loin en affirmant qu’aucun démographe, du moins au Canada, ne s’y connaît en linguistique, même si quelques-uns ont fait de la ‘démolinguistique’, une spécialisation mal nommée selon Hubert Charbonneau [Note : professeur émérite du département de démographie de l’Université de Montréal].


La plupart des démographes ont d’abord reçu une formation de premier cycle dans une autre science sociale : sociologie, économique, science po, etc. Dans mon cas, ce fut via l’histoire, alors que d’autres sont passés par les mathématiques ou l’actuariat. Je n’en connais aucun qui ait d’abord étudié la linguistique.


À propos du 'démolinguiste', j’ai retenu ceci de mon article « Démolinguistique 101 » (L’Action nationale, sept. 2003) :

« À l’instar du linguiste français Robert Chaudenson, il faut voir le soi-disant démolinguiste ‘comme le yéti ou le monstre du Loch Ness’ ».


Malgré mes objections répétées, un ancien patron m’a étiqueté, à répétition, ‘démolinguiste’ plutôt que démographe. Il ne m’a servi à rien de lui dire que Marc Termote n’était pas ‘migratologue’, pas plus que nos confrères spécialistes du vieillissement ne sont des ‘gérontographes’.


lundi 7 avril 2014

Lettre persane


Le chanoine T***, qui m’a permis de recopier un texte apparemment de Pascal, m’a aussi fait lire une ébauche que Montesquieu n’a pas retenue dans les Lettres persanes et qui m’a tout l’air d’être, elle aussi, apocryphe.


Rica à Usbek

Hier au matin je fus dans un couvent de dervis. Un d'entre eux, vénérable par ses cheveux blancs, m'accueillit fort honnêtement ; il me fit voir toute la maison ; nous entrâmes dans le jardin, et nous nous mîmes à discourir. « Mon père, lui dis-je, quel emploi avez-vous dans la communauté ? – Monsieur, me répondit-il avec un air très content de ma question, je suis endogénologue. – Endogénologue ? repris-je : depuis que je suis en Nouvelle-France, je n'ai pas ouï parler de cette charge. – Quoi ! vous ne savez pas ce que c'est qu'un endogénologue ? Eh bien ! Écoutez : je vais vous en donner une idée qui ne vous laissera rien à désirer. Il y a deux sortes de mots : purs et impurs, c’est-à-dire cismarins et ultramarins. Or tout notre art consiste à bien distinguer ces deux sortes de mots. »


Je laissai là le dervis qui tint pourtant à m’inviter à le retrouver dans les huit jours pour me faire assister à une séance du Cabinet d’Endogénisation, assemblée de sages qui fait office de tribunal des mots.


Il me semble que les choses ne sont en elles-mêmes ni pures ni impures : je ne puis concevoir aucune qualité inhérente au sujet qui puisse les rendre telles. Le témoignage des sens ne peut servir ici de règle, à moins qu'on ne dise que chacun peut, à sa fantaisie, décider ce point, et distinguer, pour ce qui le concerne, les choses pures d'avec celles qui ne le sont pas.

De Québec, le premier de la lune de Rebiab 1714



dimanche 6 avril 2014

Qu’est-ce qu’un démolinguiste ?


Voici la définition qu’en donne Robert Chaudenson dans le troisième texte d’une série portant sur le dénombrement des francophones dans le monde :

Les « démolinguistes » sont, dans les sciences humaines et sociales, comme les chauves-souris de la fable. Avec les démographes, ils sont linguistes (« Je suis oiseau, voyez mes ailes !») et avec les linguistes, les voilà devenus démographes (« Je suis souris, vivent les rats ! »).


Pour ma part, je serais tenté de dire qu’un démolinguiste est un démographe qui n’entend rien à la linguistique.

samedi 5 avril 2014

Caquistes


Le plus dur, c’est de caquer avec de bonnes odeurs de jeune cadre dynamique.
– Citation provenant du site « Termes régionaux de Suisse romande et de Savoie » de Henry Suter


Sans doute trop sensible à l’étymologie, j’ai toujours trouvé saugrenu le mot caquiste (partisan de la Coalition Avenir Québec, CAQ). Il fait penser au verbe caquer, « préparer le poisson pour le mettre en caque en particulier en lui ôtant les ouïes et les entrailles » (Trésor de la langue française informatisé), mot d’origine néerlandaise. Mais, pour moi, il évoque surtout le verbe latin cacare, dont le sens est transparent et qui a donné, en argot et dans certains dialectes comme le wallon* et le lyonnais, les mots caquer et, dans d'autres dialectes, caguer (ce dernier via l’ancien provençal cagar).


__________
*P.ex., caquer en wallon de Mons, cf. le Glossaire étymologique montois de J. Sigart, 1866, p. 113. Le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse a caquenlit, « nom vulgaire de la mercuriale annuelle ». Le Trésor de la langue française informatisé a encore dans sa nomenclature le vieux mot caque(-)sangue, « évacuation sanguinolente par les selles ».


vendredi 4 avril 2014

Récipient d’air


Le mot récipiendaire est ainsi défini dans le Trésor de la langue française informatisé (TLFi) :

Personne que l'on vient d'admettre, que l'on reçoit avec un certain cérémonial dans une société ou un corps ; personne qui reçoit un diplôme, une médaille.


Cette définition est reprise pour l’essentiel dans le Multi de Marie-Éva de Villers :

RÉCIPIENDAIRE  n. m. et f.
1.  Personne admise dans un corps avec cérémonial. Un récipiendaire de l’Académie.
2.  Personne qui reçoit une décoration, un diplôme universitaire. La récipiendaire d’un doctorat en linguistique.
Note  Pour désigner la personne qui gagne un prix, un concours, on emploiera plutôt gagnant, lauréat


La banque de données Termium du Bureau de la traduction du gouvernement du Canada ajoute l’observation suivante :

Dans son sens premier, récipiendaire ne désigne pas celui qui reçoit, mais celui qui est reçu dans une académie, un club, une loge. Exemple : Le discours du récipiendaire a créé un vif émoi à l'Académie. Par extension, on admet aujourd'hui récipiendaire pour désigner celui qui reçoit un diplôme universitaire ou celui qui est bénéficiaire d'une nomination (Dict. Robert). Ce terme garde une nuance de solennité qui l'empêche de figurer dans des textes qui n'ont rien d'officiel ou de solennel. (À déconseiller) : Le récipiendaire du prix Nobel. (Mieux) : Le titulaire du prix Nobel. [Note : on dit plutôt lauréat du prix Nobel.]


Et que trouve-t-on dans le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) ?





Je veux bien qu’on tienne compte de l’évolution de la langue au Québec. Mais pas au mépris de la logique. Car on lit dans la note sur la même fiche du GDT :

Le terme récipiendaire n'était employé au départ que pour désigner une personne ayant reçu un diplôme ou une décoration, ou encore, une personne venant d'être reçue dans une société, un ordre, etc. Toutefois, l'usage, particulièrement au Québec, en a fait un synonyme du terme lauréat. Néanmoins, plusieurs contestent encore cet emploi et, si l'on veut éviter toute critique, il peut être préférable d'employer le terme lauréat.


Christiane Loubier, qui m’a signalé cette fiche, constate, avec raison me semble-t-il, que la note contredit le statut linguistique que l'on donne au terme sur la fiche en le classant sous « termes privilégiés ».


jeudi 3 avril 2014

Le dénombrement des francophones dans le monde


Quand on aime, on ne compte pas


Je remets à plus tard le billet que je prévoyais mettre en ligne aujourd’hui pour attirer l’attention sur le dernier texte du blog de Robert Chaudenson : « Francophonie et fricophonie ». En voici un extrait en guise d’amuse-gueule :

[…] le dénombrement des francophones (actuels et à venir) est conduit par des démographes québécois qui ignorent tout du Sud et s’abstiennent donc, par calcul ou par ignorance, d’évoquer le niveau de compétence en français de celles et ceux qui sont censés en être des locuteurs. Cette question devrait pourtant être essentielle et surtout préalable à tout dénombrement un peu sérieux, car on ne peut songer à compter, où que ce soit, les francophones, sans avoir auparavant défini le niveau de compétence en français de ceux qu’on classe comme tels.


mercredi 2 avril 2014

Burqa, burka, burqua ou bourqua ? Un troisième commentaire


J’ai mis en ligne récemment deux commentaires (cliquer ici et ici) que j’avais reçus à la suite de la publication de mon billet sur la fiche burka du Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF). Il en découle une conclusion étonnante : l’Office n’appliquerait plus sa politique sur l’emprunt des formes linguistiques étrangères. Mais avant d’aborder cette question, laissez-moi donner mon opinion sur l’orthographe du mot burka / burqa.


Mon opinion

Dans le billet mis en ligne le 20 février 2014, je me suis montré favorable à la graphie burqa, plus proche de la prononciation de l’arabe. Sans doute cette préférence est-elle largement attribuable à ma formation en linguistique historique comparative.

J’ajouterai que le français, au contraire de l’espagnol ou de l’italien, tient déjà compte de la prononciation d’origine dans les emprunts qu’il a faits au grec : par exemple, amphithéâtre et non anfitéâtre. C’est pourquoi la graphie burqa ne me choque pas.


L’application de la politique sur l’emprunt linguistique


Mais je ne m’étais pas rendu compte que la graphie mise en vedette sur la fiche du GDT, burka, ne respectait pas la politique de l’emprunt linguistique adoptée le 14 septembre 2007. Dans le commentaire qu’elle a fait de mon billet, Christiane Loubier constate que la graphie burka « se trouve en contradiction nette avec la Politique de l'emprunt linguistique de l'Office dont un des grands principes directeurs est l'adaptation des emprunts au système du français, notamment à l'orthographe ».

mardi 1 avril 2014

Lettre écrite à une Provinciale*



Le chanoine T***, qui fut de nombreuses années archiviste du Petit Séminaire de Québec, m’a montré l’autre jour une lettre, fort ancienne d’aspect et dont un érudit local a déjà attribué la rédaction à Pascal sans qu’aucune preuve solide vînt appuyer cette opinion. Avec la permission du bon chanoine, j’en ai pris copie pour pouvoir vous faire part de cette curiosité.


*   *   *

Ma Révérende Mère,


Dans un petit mémoire que vous présentâtes en la Sorbonne Nouvelle, vous soutîntes la proposition : quod distinguire verbos cismarinos et verbos ultramarinos non potest quia verbi cismarini et ultramarini in sermone quebecensi intricantur.


Voilà, ma Mère, qui est admirable. L’absence de distinction est subtile et habile, j’en conviens, et j’avoue que je ne m’y attendais pas. Par votre adresse, vous évitez les cavillations dans lesquelles tombent si souvent les jésuites et leur école de Molina, n’en déplaise à votre confesseur, le P. Bérézina, que je vous engage à traiter avec respect sinon avec crainte et défiance comme il convient de tous les jésuites. Il m’est revenu justement l’autre jour que, jusque dans la Cour de Rome, le seul nom du P. Bérézina fait craindre les plus grands malheurs**.


Distinguire non potest. Que ne vous tîntes-vous avec fermeté dans la même position tout au long de votre écrit !


Mais il fallut que vous réintroduisissiez quelques pages plus loin l’étonnante distinction entre mots cismarins et ultramarins, dont vous veniez pourtant avec éclat de montrer l’inanité, et que vous la maintinssiez dans le reste de votre opuscule.


En terminant, Révérende Mère, je vous conseille de vous garder de vous trop confire en dévotion car voilà un sirop qui assez communément tourne à l’aigre.


Je vous prie de transmettre mes salutations à votre confesseur.

__________
Notes philologiques :
* Dans l’Église de Rome, la Provinciale est une sorte d’higoumène ou d’archimandrite féminin ayant autorité sur plusieurs couvents de nonnes.

** À en croire cette lettre, on aurait tort de voir dans la défaite napoléonienne l’origine de l’expression « c’est la bérézina ».