mardi 22 septembre 2015

Brachylogie hardie



Dans le billet précédent, j’ai cité cette phrase de la BD Paul dans le Nord : « Ses parents avaient un chalet autour du lac ». Il faut suppléer plusieurs mots pour obtenir une phrase logique : ses parents avaient un chalet situé sur le chemin qui faisait le tour du lac.


C’est ce que j’appellerai une brachylogie* hardie en reprenant le terme que le professeur Jean Thérasse avait utilisé en commentant le passage suivant de Tacite (Histoires, 1, 49) :

Galbae corpus diu neglectum et licentia tenebrarum plurimis ludibriis vexatum dispensator Argius e prioribus servis humili sepultura in privatis eius hortis contexit. Caput per lixas calonesque suffixum laceratumque ante Patrobii tumulum (libertus in Neronis punitus a Galba fuerat) postera demum die repertum et cremato iam corpori admixtum est.

Le corps de Galba, longtemps abandonné, fut, dans la licence des ténèbres, le jouet de mille outrages. Enfin Argius, intendant de ce prince et l'un de ses anciens esclaves, lui donna dans les jardins qu'il avait avant d'être empereur une humble sépulture. Sa tête, que des vivandiers et des valets d'armée avaient attachée à une pique et déchirée cruellement, fut retrouvée le lendemain devant le tombeau de Patrobius, un affranchi de Néron puni par Galba. On en mêla les cendres à celles du corps, qui déjà était brûlé. (Traduction de Burnouf)

Caput […] repertum et cremato iam corpori admixtum est, littéralement : sa tête fut trouvée et mélangée au corps déjà brûlé. Comme le demandait le professeur Thérasse : que peut bien donner une tête mélangée à des cendres ? Sa réponse : un visage barbouillé !
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* Brachylogie : suppression de certains éléments d’une phrase.


dimanche 20 septembre 2015

Le québécois standard illustré par l’exemple / 16

De quoi perdre le Nord

Ses parents avaient un chalet autour du lac.
– Michel Rabagliati, Paul dans le Nord, planche reproduite dans Le Devoir, 19-20 septembre 2015, p. A9


Question : petit lac ou gros chalet ?


mardi 8 septembre 2015

Encore de l’humour noir !



Extrait de la page d'accueil du site de l'OQLF, 8 septembre 2015


Sur la page d’accueil de son site, l’Office québécois de la langue française (OQLF) nous propose ces jours-ci un vocabulaire de la sécurité aérienne pour nous aider à « voler en toute quiétude » : amerrissage forcé, appel de détresse, approche manquée, décompression explosive, dommages causés par des corps, impact d’oiseau, etc.


dimanche 6 septembre 2015

Le québécois standard illustré par l’exemple / 15

La disparition de l’article défini


En 1890, le YMCA de place D'Youville était encore bien loin de devenir le futur Théâtre Le Diamant. Même son voisin, le célèbre Capitole, n'existait pas encore.
– Valérie Gaudreau, « Le YMCA de Place D’Youville en 1890 », Le Soleil, 6 septembre 2015


En français standard, on utilise l’article défini en pareil cas : de la place d’Youville (on ne met pas de majuscule non plus au d’). Cette façon de dire est fréquente à Québec où on va à Place Laurier (au centre commercial Laurier) ou à place Royale (à la place Royale). Ce n’est pas le seul cas où l’article défini disparaît en français québécois. J’ai déjà mentionné dans un billet sa disparition devant certains titres de civilité : vous avez rendez-vous avec Docteur X, l’Orchestre symphonique de Montréal avec Maestro Nagano au pupitre. Ces derniers exemples s’expliquent par l’influence de l’anglais.


Le tour à place d’Youville pourrait être le résultat d’une crase, phénomène phonétique courant en québécois parlé : sur la table > su’ ’a table > s’a table, à la place > à ’a [a allongé] place > à place.