jeudi 25 août 2016

À rebours de l’usage


Selon le principe bien connu que faire et défaire, c’est toujours travailler, l’Office québécois de la langue française (OQLF) a refait en 2014 ses fiches portant sur les sodas pour mettre en première position le terme boisson gazeuse. Pourtant, comme on peut le constater à la lecture de l’ancienne fiche « soda au gingembre », c’est le terme soda qui était recommandé par la Commission d’officialisation de l’OQLF (cliquer sur les images pour les agrandir) :



Voici de quoi a l’air la nouvelle fiche du Grand Dictionnaire terminologique (GDT) :



J’ai déjà noté (billet du 15 juillet 2015) à quel point cette décision était inconsidérée maintenant que Canada Dry utilise dans sa publicité et son étiquetage le terme soda gingembre :



C’est d’ailleurs le terme soda que le titreur du Soleil utilise spontanément aujourd’hui :






lundi 22 août 2016

Le marketing lexicographique


New presbyter is but old priest writ large.
– John Milton


La dernière livraison de l’Infolettre Usito comporte un article sur la grammaire nouvelle, « appelée aussi nouvelle grammaire ou grammaire moderne », nous apprend-ton. Nouvelle grammaire ? Les adjectifs continuent de s’accorder en genre et en nombre avec le nom, le verbe continue de s’accorder en nombre et en personne avec son sujet. On n’a même pas réussi encore à réformer les règles d’accord du participe passé. Mais on ne parle plus d’adjectif démonstratif : dorénavant, ce sera un déterminant démonstratif. Le complément déterminatif est devenu complément du nom : la belle affaire !


Ces changements sont en grande partie le nouveau maquillage de la grammaire. Je sais bien que ce n’est pas tout à fait le cas. Ainsi, dans les exemples suivants, les deux compléments, différents selon la grammaire traditionnelle, sont identiques selon la nouvelle grammaire, qui les considère comme des compléments directs :

Cette promotion m’a coûté une amie. (complément d’objet direct [COD])
Mes rénovations m’ont coûté des milliers de dollars. (complément circonstanciel)


Pourquoi sont-ils des compléments directs ? Parce qu’on ne peut les déplacer à la gauche du verbe ! Ils doivent rester à la droite du verbe, sans préposition entre eux et le verbe. L’ancienne grammaire tenait davantage compte de la sémantique (combien mes rénovations coûtent-elles, que me coûte ma promotion ?), la nouvelle se base sur les manipulations syntaxiques. Les éléments les plus innovants de la nouvelle grammaire relèvent de la syntaxe, ils n’ont donc guère de répercussions sur la description lexicographique si ce n’est au niveau superficiel de l’étiquetage (déterminant indéfini plutôt qu’adjectif indéfini). Petit pas pour l’homme, bond en avant pour la lexicographie? C'est douteux. Pour l’apprentissage ? On verra bien. Je suis loin de croire que l’on assistera à un saut qualitatif, comme diraient les marxistes.


En tout état de cause, la nouvelle grammaire est un outil de marketing. Les vendeurs de dictionnaires et de manuels scolaires pourront mettre encore plus de beurre dans leurs épinards.


lundi 8 août 2016

N’avoir cure de l’étymologie


Le terme brachythérapie, calqué sur l'anglais, s'inscrit dans la norme sociolinguistique du français au Québec. En outre, il s'intègre au système linguistique du français; il est composé des éléments formants brachy‑ « distance courte » et –thérapie « soin, cure ». Brachythérapie est acceptable en vertu des critères de traitement de l'emprunt linguistique en vigueur à l'Office québécois de la langue française.
– Grand dictionnaire terminologique, fiche « curiethérapie »

Ce mois-ci, parmi les fiches du Grand Dictionnaire terminologique (GDT) mises en vedette sur le site de l’Office québécois de la langue française (OQLF), il y a « curiethérapie », dont brachythérapie est synonyme. On nous apprend que brachythérapie est calqué sur l’anglais ! L’origine grecque, pourtant évidente, est tout bonnement passée sous silence. Il n’est venu à l'idée de personne à l’OQLF, semble-t-il, que brachythérapie pouvait être tout simplement un terme international formé sur des racines grecques comme tant d’autres termes scientifiques et techniques à base de racines grecques, latines ou gréco-latines (dolichocéphale, télémètre, télévision, etc.) que l’on trouve plus ou moins adaptés dans un grand nombre de langue (dolicocefalia en italien, televisão en portugais, etc.). Puisqu’il s’agit de termes scientifiques et techniques internationaux, on se moque bien qu’ils soient acceptables « en vertu des critères de traitement de l'emprunt linguistique en vigueur à l'Office québécois de la langue française ».