jeudi 26 janvier 2023

Jour de lames de neige

 

J’ouvre la radio ce matin et en seulement quelques minutes j’entends à plusieurs reprises l’expression lame de neige. Il y a dix ans j’avais noté qu’elle était absente du Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF). Je viens de faire une vérification : le terme figure maintenant dans la nomenclature. On nous dit que la dernière modification à la fiche a été apportée en 2021. Entendons plutôt que la fiche a été rédigée en 2021. Pour preuve, j’ai publié – pour la troisième fois – un billet sur le sujet en 2021 et j’y notais encore l’absence du terme dans le GDT. Il aura fallu huit ans (!) pour produire une fiche sur un terme entre-temps défini par le ministère des Transports en 2014.

 

Le réflexe endogénique a la vie dure : la lame de neige est définie dans le GDT comme un « banc de neige en forme de vague, formé spontanément par l'action des vents, qui se dresse sur les voies de circulation et les terrains découverts. » Il aurait été tellement plus simple, plus clair et plus descriptif de la réalité d’écrire, comme je le proposais, que c’est une « coulée de neige poussée par le vent qui vient couper une voie de circulation ».

 

Lame de neige est toujours absent d’Usito, le dictionnaire qui est censé décrire le « français standard en usage au Québec ». Ce terme typique de l’hiver québécois est pourtant d’usage courant dans les médias : pour des exemples, cliquer ici.

 

mercredi 11 janvier 2023

Conditionnel traumatisant

  

En lisant Le Devoir ce matin, j’apprends l’existence du mot traumavertissement :

Ces avertissements qui préviennent que le contenu pourrait être délicat, irritant ou déclencheur de réactions perturbantes prolifèrent maintenant dans le milieu des arts, royaume du bouleversement émotif et du choc esthétique. Musées, classes de littérature, livres, spectacles, opéras préviennent maintenant leurs visiteurs, lecteurs et spectateurs. Regard, en une série de textes, sur ce phénomène des trigger warnings, ou TW pour les intimes.

 

Ces avertissements nous pourrissent l’écoute de la télévision : a-t-on vraiment besoin de nous dire qu’il pourrait y avoir des « représentations culturelles d’époque » dans un film datant de cinquante ans ? TFO, la télévision franco-ontarienne, semble à cet égard pire que les diffuseurs québécois, ce qui n’est pas surprenant compte tenu du contexte.

 

J’ai pris la peine de vérifier et le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) a bien une fiche « traumavertissement », datée de 2022. Avec cette note curieuse : « Le terme traumavertissement est un mot-valise qui serait construit à partir des mots traumatisme et avertissement. » Pourquoi le conditionnel ? On voit tout de suite que le mot est bel et bien construit à partir des mots traumatisme et avertissement.

 

Le GDT ne fait aucune mention du fait qu’un équivalent français de trigger warning a été officialisé trois ans plus tôt en France : avertissement au public (« message ou indication accompagnant la diffusion d’une œuvre ou d’un document, qui alerte le public du caractère potentiellement traumatisant de son contenu ») (Journal officiel du 25 juin 2019).

 

Usito a lui aussi le mot traumavertissement, signalé comme québécisme. Aucune indication sur l’équivalent officialisé en France. Usito se targue pourtant d’être « le premier dictionnaire électronique à décrire le français standard en usage au Québec, tout en faisant le pont avec le reste de la francophonie. »

 

jeudi 5 janvier 2023

Quand le niveau cesse de monter

  

La grande difficulté de plusieurs à s’exprimer correctement à l’écrit est effectivement un constat qui s’impose. Les fautes d’orthographe et les erreurs syntaxiques et grammaticales sont pour la quasi-totalité des violations de règles élémentaires qui auraient dû être assimilées au primaire et au secondaire.

Marco Jean, « La littérature et la philosophie comme boucs émissaires », Le Devoir, 5 janvier 2023,p. A7

 

Pendant des années, on n’a cessé de rabâcher que le niveau monte dans les écoles en ce qui concerne la maîtrise du français. Le premier bilan de la situation linguistique produit par l’Office québécois de la langue française (OQLF) en 2008 aurait dû susciter quelque inquiétude :

Les résultats obtenus par les jeunes Québécois aux épreuves obligatoires de français, à la fin des études secondaires et collégiales, indiquent une régression de leur taux de réussite. Ils révèlent également que ces derniers réussissent mieux sur le plan de la qualité de leur communication (le fond) que sur celui de la conformité au code linguistique (la forme). Les principales faiblesses ont trait à l’orthographe, chez les élèves de l’école secondaire, et à la syntaxe et à l’orthographe, chez les étudiants poursuivant des études collégiales (p. 177).

Dans son bilan de 2019 l’OQLF nous apprenait au contraire que « [l]es résultats sont stables depuis 1998, année de création de l’épreuve du collégial. » Pour parvenir à cette conclusion politiquement correcte, l’OQLF avait sélectionné ses données en ne prenant en compte que les résultats à la première « passation » de l’épreuve uniforme de français du collégial (il y a trois passations chaque année) : pour plus de détails, cliquer ici.

En réalité, quand on prend les résultats des trois passations annuelles on constate que le taux global de réussite est à la baisse :

 


À la baisse aussi le taux de réussite en matière de maîtrise du code linguistique :

 


Pour plus de détails, cliquer ici.