Réflexions sur la nouvelle politique de l’emprunt linguistique
de l’Office québécois de la langue française
Je
continue mon analyse de la nouvelle Politique
de l’emprunt linguistique de l’Office québécois de la langue française. J’arrive
maintenant à ce que le document appelle les calques sémantiques et les calques
morphologiques :
Un
calque en usage en français au Québec est accepté :
a) s’il
est non récent, généralisé, implanté et légitimé, et qu’il est intégrable au
système linguistique du français […]
b) s’il
est non récent, généralisé, implanté, partiellement légitimé et qu’il est intégrable
au système linguistique du français […] (p. 15)
On
trouve la même totologie que
précédemment : « généralisé, implanté ». Et le même flou
artistique en ce qui concerne la légitimation : Qui légitime ? L’Office ?
Un calque est-il légitimé parce qu’il n’est pas critiqué dans les ouvrages
normatifs auxquels on fait allusion page 26 ? Les terminologues de l’Office
décideront-ils de la légitimité au cas par cas selon leur humeur ? Que
fait-on quand un autre organisme normatif, par exemple le Bureau des
traductions à Ottawa, décide de bannir une expression comme « être à l’emploi
de » approuvée par l’Office ?
La
tarte à la crème de l’intégrabilité au système linguistique du français revient
aussi dans ce cas-ci mais on voit bien que les auteurs de la politique
linguistique n’ont rien compris à la question. Car le calque est justement le
moyen d’intégrer un emprunt : le français n’utilise pas l’emprunt intégral
sky scraper mais le calque gratte-ciel. Dès sa première apparition
en français, gratte-ciel était
intégré au système linguistique !
Les
auteurs de la politique linguistique confondent aussi allégrement emprunt
sémantique et calque. Ce qu’ils appellent calque sémantique est en fait un
emprunt sémantique et ce qu’ils appellent calque morphologique est un calque
tout court.
Mais
il y a pire dans la confusion. L’emprunt lexical est défini (p. 25) comme
une « unité lexicale empruntée intégralement (forme et sens) ou
partiellement (forme ou sens seulement) à une autre langue ». Essayons d’être
le plus clair possible. Un emprunt lexical, c’est l’emprunt d’un mot. Quand on
emprunte un mot, on emprunte à la fois non seulement sa forme sonore et
graphique mais aussi son sens : par exemple, le mot iceberg en français a la même forme et le même sens qu’en anglais.
Comment peut-on emprunter la forme seulement, sans le sens ? Pour ce
faire, il faudrait, par exemple, que j’emprunte le mot anglais crumble et que je lui donne un sens qu’il n’a pas dans sa langue d’origine : au lieu de « croustade »,
je décide qu’il signifiera « pâté chinois ». Quelle absurdité !
Je
note en terminant ce billet que, pour l’Office, les « calques de
locutions, de collocations anglaises » « ne sont généralement pas
acceptés». L’Office, qui trouve que la locution « être à l’emploi
de » est une « adaptation […] parfaitement conforme au système
linguistique du français » (GDT, 2003), devrait donc réviser sa
position et s’aligner sur celle du Bureau des traductions à Ottawa.
« Comment peut-on emprunter la forme seulement, sans le sens ? »
RépondreSupprimerAu contraire, il y a plusieurs examples de ce genre d'emprunt! Généralement il s'agit d'un sens qui est conceptuellement lié à celui de la langue d'origine mais néanmoins distinct. Par example, en italien le mot « toast » peut signifier ainsi « pain grillé » (emprunt direct) que « sandwich grillé sur pain tranché » (par opposition à « panino », q'utilise un petit pain entier).
En japonais ce genre d'emprunt est si commun qu'il forme une catégorie plutôt grande du lexique: « wasei eigo ». Dans cette catégorie on trouve par example le mot « manshon », que veut dire « immeuble » au lieu de « manoir », ou, même du français, « abekku », que veut dire « couple romantique » au lieu d'« avec ».
L'italien a d'abord emprunté le mot toast avec son sens anglais d'origine puis il y a eu extension de ce sens. Cela est très clair dans l'article toast de la version italienne de Wikipedia:
RépondreSupprimerIl toast è un tipo di pane in cassetta tagliato a fette, che viene rosolato con del calore secco, generalmente all'interno di un elettrodomestico specifico, detto tostapane. La tostatura lo rende croccante e piacevole al gusto.
In Italia viene comunemente definita toast una coppia di fette di pane in cassetta farcite con formaggio e affettato (generalmente, prosciutto cotto) e successivamente tostate in un tostapane. Il termine deriva dall'inglese toast, che a sua volta deriva dal latino tostus.
J'étudierai les exemples japonais que vous citez.