Dans
deux billets intitulés « Le gâchis de Pénélope » et mis en ligne ces
derniers jours, j’ai parlé des activités de «désofficialisation» de l’Office
québécois de la langue française (OQLF). Je continue dans cette ligne mais sous un nouveau titre, « Les
travaux de Pénélope ». Il y aura vraisemblablement plusieurs suites au
présent billet.
J’ai
consulté hier la page Facebook de Gaston Bernier, qui a déjà été président de l’Asulf
(Association pour le soutien et l’usage de la langue française). Son dernier
billet portait sur le terme smoked meat.
Je savais que l’OQLF avait fini par entériner cet anglicisme mais j’ai été tout
de même étonné de lire sur la fiche du Grand Dictionnaire terminologique (GDT)
cette note : « Smoked meat est un
emprunt culturel à l'anglais qui désigne un mets introduit à Montréal par les
immigrés d'Europe de l'Est. »
On
sait que la dernière Politique de l’emprunt
linguistique de l’OQLF accepte un mot anglais « s’il fait référence à
une réalité représentative d’une des communautés linguistiques anglo-saxonnes »
(p. 12). Ce petit bout de phrase, qui n’a l’air de rien, contient une absurdité. Anglo-saxon
s’applique aux habitants qui peuplaient l’île de Grande-Bretagne avant la
Conquête normande et, en linguistique, il est synonyme de vieil-anglais. Il est
abusif d’utiliser l’adjectif ou le substantif anglo-saxon pour désigner les peuples
anglophones modernes.
En ce qui concerne smoked meat, il ne fait pas « référence à une réalité représentative d’une des communautés linguistiques anglo-saxonnes ». En fait, on s’accorde généralement pour dire que le smoked meat est un plat juif originaire d’Europe de l’Est. Peut-être cette appellation anglaise est-elle un calque du yiddish.
En ce qui concerne smoked meat, il ne fait pas « référence à une réalité représentative d’une des communautés linguistiques anglo-saxonnes ». En fait, on s’accorde généralement pour dire que le smoked meat est un plat juif originaire d’Europe de l’Est. Peut-être cette appellation anglaise est-elle un calque du yiddish.
La
fiche du GDT ajoute : « on a tenté, dans les années 1980, de
remplacer smoked meat par d'autres
termes, notamment par bœuf mariné qui
avait été officialisé alors par l'Office québécois de la langue française, mais
ces termes ne se sont pas implantés.» Avec un peu plus d’efforts
le terme se serait peut-être implanté, au moins partiellement.
La
fiche du GDT dit bien que le terme avait été normalisé par l’Office (le
24 janvier 1981). Ce qu’elle ne dit pas, c’est que cette normalisation résultait
des travaux de terminologie effectués de pair avec des collaborateurs du
gouvernement fédéral*. Une fois de plus, l’OQLF a désofficialisé des termes
sans en avertir ses partenaires. Il reste néanmoins des traces, dans la banque
Termium du Bureau des traductions (Ottawa), de cette collaboration passée :
Smoked meat platter :
Smoked beef sandwich :
Ajoutons,
pour terminer, qu’en anglais même on privilégiait smoked beef :
En
effet, dans le but de protéger le consommateur, la réglementation fédérale
exigeait alors (je ne sais pas si cela est toujours le cas) de préciser l’espèce
animale dans la vente de produits carnés.
________
*
À ma connaissance, il y a eu plusieurs éditions du Lexique du bœuf (1977, 1978, 1979 et 1980). L’un des auteurs mentionnés
dans les bases bibliographiques est le docteur Guy Meilleur, vétérinaire au
ministère de l’Agriculture du Canada. Dans l’édition de 1977 (qui porte la
mention « Régie de la langue française »), on peut lire : « Ce lexique contient la terminologie française normalisée
pour la vente au détail au Québec, les termes de demi-gros ainsi que la
terminologie bilingue fédérale des coupes pour collectivités. Les notes,
placées entre le lexique et l'index des termes français, sont des plus utiles
aux bouchers, aux rédacteurs de livres de recettes et aux professeurs de coupe
de viandes. L'ouvrage est indispensable à toutes les personnes qui de près ou
de loin ont à traiter la viande de bœuf ou à traiter de la viande de bœuf pour
étiquetage, affichage interne ou publicité, afin de se conformer à la loi sur
la francisation des entreprises. »
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