Le président-fondateur de l’Asulf
(Association pour le soutien et l’usage de la langue française) aimerait que
les habitants de Salaberry-de-Valleyfield s’appellent des Salaberriens plutôt
que des Campivallensiens, gentilé approuvé par la Commission de toponymie.
C’est en essayant de comprendre l’origine de ce mot que j’ai découvert que le
latin de la Commission ne valait guère mieux que celui du Grand Dictionnaire
terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF).
Le mot français campivallensien trouve son origine dans un bref apostolique (en
latin) du 5 avril 1892 du pape Léon xiii.
Je n’ai pas réussi à trouver ce bref dans les Acta Sanctae Sedis* mais j’ai découvert deux documents où le mot Campivallensis est utilisé :
• À
l’occasion de la nomination d’un évêque auxiliaire : « Percival
Caza, Auxiliarem R. P. D. Iosephi Alphridi Langlois, Episcopi Campivallensis » (Acta 1949, p. 124).
• À
l’occasion de l’élévation au titre de basilique mineure de la cathédrale
Sainte-Cécile : « Quoniam igitur
Venerabilis Frater Robertus Lebel, Episcopus Campivallensis, votis denuntiatis
cleri et populi catholici, ab hac Apostolica Sede petivit ut cathedralis
Ecclesia Sanctae Caeciliae Virgini et Martyri dicata titulo ac dignitate
Basilicae Minoris ornaretur, […] Qua re
cathedralem Ecclesiam Campivallensem, Sanctae Caeciliae Virgini et Martyri
dicatam, titulo et dignitate Basilicae Minoris decoramus, […] (Jean-Paul ii, lettre apostolique du 9 février
1991).
Ces exemples n’apportent pas grand-chose
sauf d’attester l’usage en latin du calque Campivallensis
pour désigner le diocèse de Valleyfield.
En revanche, l’explication fournie par la
Commission de toponymie est plus intéressante pour les erreurs qu’elle contient :
« Campivallensis,
transposition en latin des éléments constitutifs du toponyme Valleyfield, à
savoir valley, « vallée » (latin val, diminutif vallensis,
« petite vallée ») et field, « terrain; champ »
(latin campus, au pluriel campi). »
Cette explication est reprise sur le site de
la ville de Salaberry-de-Valleyfield et dans le Wiktionary. Elle contient trois
erreurs.
Le mot val
n’existe pas en latin. Pour désigner la vallée, on ne trouve dans les
dictionnaires latins que vallis ou valles. Val est absent des dictionnaires latins que j’ai
consultés (il est vrai que le Thesaurus Linguae Latinae, pourtant commencé en
1893, n’est toujours pas rendu à la lettre V, il s’en faut de beaucoup :
et dire que l’on parle de la lenteur des académiciens français à produire leur
dictionnaire !).
Deuxième erreur, vallensis n’est pas un diminutif, mais un dérivé adjectival (en d’autres
termes, un adjectif formé à partir du mot vallis).
On ne trouve pas cet adjectif dans le Gaffiot ni dans le Glossarium mediae et infimae latinitatis de Du Cange. En fait,
je ne l’ai trouvé que dans le Quicherat (dictionnaire français-latin) et il n’est
pas attesté dans la langue littéraire mais seulement dans des inscriptions.
Troisième erreur : en latin, petite vallée ne se dit pas vallensis
mais vallicula.
C’est la première fois que je fais une
incursion dans le fichier des gentilés de la Commission de toponymie. Je ne m’attendais
pas à y trouver autant d’erreurs dès ma première visite.
________
* Il y est sans doute mais les
actes ont été numérisés sans véritable relecture, de sorte qu’y abondent les
erreurs typographiques.
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