Parmi
les fiches que le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois
de la langue française (OQLF) met en vedette ce mois-ci, il y a « bailleur
de fonds ». On y lit cette note :
Même si les ouvrages de
référence relèvent bailleresse comme
étant la forme féminine de bailleur,
le féminin bailleuse de fonds est
privilégié. D'une part, il est nettement plus courant, etc.
Me méfiant comme toujours des affirmations sur l’usage que fait le
GDT, j’ai voulu vérifier sur Internet quel est l’usage réel de ces deux formes
de féminin. Résultats :
Bailleuse : 8 680 pages où cette forme est présente
Bailleresse : 68 000 pages
Comme quoi il ne faut jamais croire le GDT sur parole.
* * *
Le
dictionnaire de l’Académie française, édition de 1694, écrit à propos du
féminin bailleresse : « Ce
mot n'est bon qu'en stile de Notaire». Dans l’édition de 1835, l’Académie
affirme que le mot est « maintenant presque inusité » et pour
le Larousse du xixe siècle
il est usité seulement au sens de « celle qui consent une location ».
Pourtant, en 2019, le nombre d’attestations du féminin bailleresse est nettement supérieur à celui de bailleuse. Tout cela aurait dû faire faire comprendre au rédacteur
de la fiche du GDT que le féminin bailleresse
est un terme technique peu attesté dans des textes ne relevant pas du droit
mais encore courant « en style de notaire ». Le GDT est tellement
préoccupé de la « langue courante » qu’il en oublie que son mandat
est d’abord de rendre compte des usages techniques.
* * *
Dans
mon billet du 15 mars 2012, j’ai traité d’une autre affirmation douteuse
du GDT sur l’usage d’un mot. Extrait :
« Le québécisme vanité […] est un emprunt à l'anglais tombé
en désuétude ». Comme le montre le graphique suivant, le nombre
d’attestations du mot vanité (pour désigner un meuble) a augmenté de
9 000 de juin 2011 à mars 2012. « Tombé en désuétude ? »
Il ne tombe pas, il monte.
Les termes comptoir de salle de bain et vanité
dans les pages Web canadiennes en juin 2011 et mars 2012 |
« Le québécisme vanité […] est à éviter au profit de termes
bien implantés dans l'usage comme comptoir de salle de bain et comptoir. »
Comptoir de salle de bain est moins implanté dans l’usage que vanité.
« Le québécisme vanité, qui est un emprunt à l'anglais tombé
en désuétude, est à éviter au profit de termes bien implantés dans l'usage
comme comptoir de salle de bain et comptoir » : deux
affirmations fausses dans la même phrase.
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