mercredi 10 juin 2020

Séparés par la même langue


La Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) a publié le 9 juin une lettre d’information (et non une newsletter comme si souvent en France) signalant que 17 nouveaux termes ont paru au Journal officiel le 23 mai 2020. Dans ce billet, je ne m’occuperai que des termes cités en exemple dans la lettre. On trouve tous ces termes officialisés dans la banque France Terme.


On propose de traduire « to spoil » par « divulgâcher ». Aucune indication sur la provenance du terme, on pourrait croire qu’il s’agit d’une création néologique de la DGLFLF. Cela dit, je suis malvenu de critiquer l’absence d’étymologie dans un répertoire terminologique car j’ai déjà écrit, à propos du Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF), que ce n’était pas son rôle de faire de l’étymologie (cf. mes commentaires sur le mot « vidanges » que le GDT tente de légitimer en invoquant un dictionnaire de l’Académie française publié au xviiie siècle). Je profite de l’occasion pour vous suggérer la lecture d’un billet de mon ami Robert Chaudenson sur un cas analogue, celui du mot courriel, dans lequel il s’attaque à « la sotte prétention des Français à tout régenter, seuls et de façon exclusive, dans la langue française. »


Lisons la définition que donne de divulgâcher le GDT (fiche de 2016) :

Divulguer prématurément un élément clé de l'intrigue d'une œuvre de fiction, gâchant l'effet de surprise ou le plaisir de la découverte.  


Et comparons-la avec celle de France Terme :

Gâcher l’effet de surprise chez le lecteur ou le spectateur en dévoilant tout ou partie de l’intrigue d’une œuvre de fiction.


On voit tout de suite la supériorité de cette dernière : l’élément sémantique essentiel du terme est le fait de gâcher, pas celui de divulguer. Souhaitons que l’Office réécrive sa définition.


France Terme a refait sa fiche « podcast ». Maintenant on propose comme traduction « audio » (« contenu audio mis à la disposition du public dans l’internet ») qui remplace l’ancienne traduction « diffusion pour baladeur » (2006). Dans un cas comme dans l’autre, on ne retient pas la proposition québécoise « baladodiffusion », on ne la mentionne même pas.


France Terme propose « démineur éditorial » pour traduire « sensitivity reader » (« personne chargée dans une maison d’édition d’identifier avant publication les termes et les contenus susceptibles d’être considérés comme choquants ou offensants par certains lecteurs »). Ce terme anglais n’a pas encore été traité par l’équipe du GDT.


J’ai gardé le meilleur pour la fin : la fiche « chick lit » (lit pour literature). Ce terme anglais désigne une « catégorie de roman qui met en scène avec humour et dérision une jeune citadine d’aujourd’hui ». Le mot anglais familier chick, parfois offensant, désigne une jeune fille ou une femme. France Terme traduit « chick lit » par « romance urbaine », ce qui ne me semble pas la trouvaille du siècle. Mais le GDT se surpasse en proposant « littérature aigre-douce »! Faut le faire, n’est-ce pas ? Pourtant, les pistes de solution ne manquent pas en français : littérature ou romans de gare (ce qui aurait pu donner romance de gare), romans pour midinettes, littérature de nanas (plus proche du sens familier anglais), romans de/ pour filles, etc.

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Réaction de l'animatrice de télévision et de radio Marie-France Bazzo:



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