Une fois de plus je ne peux
m’empêcher de commenter la « bien-aimée rubrique Point de langue » du Devoir,
« à mi-chemin entre l’essai et la vulgarisation scientifique. » Celle
de samedi dernier n’était pas piquée des hannetons. Elle portait sur le vouvoiement
à la suite de la décision du ministre de l’Éducation Bernard Drainville de
rendre obligatoire le vouvoiement dans les écoles.
La bien-aimée chroniqueuse s’interroge sur la fréquence du tutoiement au Québec qu’on ne peut expliquer, précise-t-elle, par une influence de l’anglais. Elle propose une explication sociologique qu’elle emprunte à Sapir :
Dans
un entretien que le linguiste et anthropologue américain Edward Sapir accorde à
Philippe Barbaud dans le cadre de sa chronique de langue « Parler
d’ici », en 1984, ce dernier faisait ce rapprochement avec l’anglais.
Sapir répond que « c’est loin d’être évident » et propose
l’explication suivante : « Je crois plutôt que votre société, pour
des raisons historiques évidentes, est nettement plus égalitaire qu’ailleurs.
Vos origines rurales ont nivelé les différences hiérarchiques engendrées par
les classes sociales du Vieux Continent. Dès lors, que devient l’utilité du
“vous” dans l’échange linguistique entre interlocuteurs qui se perçoivent comme
égaux, culturellement parlant ? Le vouvoiement s’avère en fin de compte
peu représentatif d’une société qui se perçoit plus égalitaire. »
Philippe Barbaud, aujourd’hui
à la retraite, a été professeur de linguistique à l’UQAM. Dans un commentaire
laissé sur le site web du Devoir, il répond du tac au tac : « J'aurais
bien aimé avoir une conversation avec l'ethnolinguiste réputé Edward Sapir...
Mais quand il est mort en 1939, je n'étais pas encore né ! »
Donc, selon la chroniqueuse,
le vouvoiement est une manifestation d’une société plus égalitaire. Pourtant,
elle rappelle « [i]l n’y a pas si longtemps, les enfants vouvoyaient leurs
grands-parents, voire leurs parents. » À cela j’ajoute que j’ai eu tout un
choc quand, lors ma première classe au cours classique, le titulaire m’a appelé
Monsieur et il n’était évidemment pas question que les élèves le tutoyassent. À
cette époque (et bien avant d’ailleurs), à l’école primaire, au secondaire, à l’Université,
on vouvoyait les enseignants. C’était pourtant après la déclaration de Sapir
(mort en 1939 !) sur notre société plus égalitaire qui favorise le recours
au tutoiement.
Un autre commentateur a
publié sur le site web la remarque suivante : « Quel salmigondis qui
tourne en rond sans grande utilité, pour finir en queue de poisson ! Que
n'écrirait-on pas pour mettre en doute une décision ministérielle pourtant bien
raisonnable ? »
Vous pourrez lire les autres
commentaires, au fond plus instructifs que la chronique elle-même, en cliquant ici.
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