[…] le
style n’est que l’ordre et le mouvement qu’on met dans ses pensées […] Bien écrire, c’est tout à la fois
bien penser, bien sentir et bien rendre ; c’est avoir en même temps de
l’esprit, de l’âme et du goût. Le style suppose la réunion et l’exercice de
toutes les facultés intellectuelles ; les idées seules forment le fonds du
style ; l’harmonie des paroles n’en est que l’accessoire, et ne dépend que
de la sensibilité des organes. […] le style est l’homme même.
– Buffon, Discours sur le style (1753)
Après mon billet du 21 septembre,
me voici encore à commenter la prose de madame Francine Pelletier, chroniqueuse
du Devoir. « Étiez-vous parmi les millions de
spectateurs qui ont syntonisé le
débat Trump-Clinton ? »
demande-t-elle dans l’édition de ce matin. Syntoniser,
pour le Larousse, c’est « réaliser une syntonie », c’est-à-dire un « état
résultant de l’accord ou de l’égalité des fréquences de plusieurs appareils ou
phénomènes. ». C’est « accorder deux circuits oscillant sur une même
fréquence » pour se mettre plus facilement à l’abri des brouillages » (Trésor de la langue française informatisé). Pour le Dictionnaire québécois d’aujourd’hui, syntoniser, c’est « régler
une fréquence donnée sur un récepteur radio ». Le Trésor de la langue
française au Québec n’offre que trois attestations du verbe syntoniser. On se demande pourquoi la
chroniqueuse utilise ce verbe, inapproprié dans les circonstances, plutôt que
de demander plus simplement à ses lecteurs s’ils ont regardé le débat
Trump-Clinton.
Mais peut-être faut-il voir dans l’utilisation du
verbe syntoniser un lapsus freudien : les deux candidats n’étaient pas sur
la même longueur d’onde et la chroniqueuse aurait préféré qu’ils se
syntonisassent.
Plus loin,
la chroniqueuse écrit : « J’ai souvent dit qu’il était difficile pour
les femmes publiques de trouver le
bon ton.» Le contexte indique que les femmes publiques ici
mentionnées ne sont ni des lorettes ni des cocottes ni des poules. Pour autant
il est encore un peu risqué de voir dans l’expression femme publique la simple féminisation d’homme public. Même si, un
peu partout sur la planète, des hommes publics se vendent au plus offrant.
Dans sa
chronique précédente, Francine Pelletier avait écrit : « Des hommes à
95 % qui ont souffert de l’arrivée massive des femmes sur le marché du
travail, du déplacement de la main-d’œuvre vers l’étranger, de la disparition
du secteur manufacturier en faveur de l’innovation technologique. » Cette féministe préférerait-elle
donc des machos, des hommes à 100 %? Encore une fois, il s’agit d’une
maladresse de style. Il aurait fallu écrire, le plus simplement du monde :
des hommes qui, à 95 %, ont souffert de l’arrivée massive des
femmes sur le marché du travail…
N’hésitons
pas à féminiser le discours de Buffon : le style, c’est aussi la femme.
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