Dans l’espace de quelques mois, on est retourné
50 ans en arrière. Comment est-ce possible ? Qui aurait cru, de plus, que
les balises démocratiques que nous tenons pour acquis [sic], l’analyse des faits, l’absence de conflits d’intérêts,
l’importance de respecter sa parole, de dire la vérité, la suprématie du savoir
sur l’argent, la méritocratie avant l’aristocratie…
tout ça serait haché menu par un « narcissomane » ? […]Aux dernières nouvelles, mis à part les
artistes qui ont refusé de se prêter aux célébrations, il n’y a que le leader
noir John Lewis, un héros de la déségrégation, qui a clairement désigné la « kakistocracie » (le gouvernement du pire) de Trump
comme illégitime.
–
Francine Pelletier, « Résister », Le
Devoir, 18 janvier 2018
Francine Pelletier devrait avoir plus souvent
recours à son dictionnaire. Trump et son entourage ne forment pas une
aristocratie mais une ploutocratie (gouvernement des riches). Et le mot
narcissomane, qu’elle a eu la prudence de mettre entre guillements, n'apparaît
pas dans les dictionnaires français : on parle de narcissisme, de
narcissique, de névrose ou de perversion narcissique, etc.
Quant au mot kakistocratie (la journaliste écrit kakistocracie sous l'influence de l'anglais), encore peu employé en
français, il risque d'avoir un bel avenir devant lui... J'ai hâte de voir comment le Grand
Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française
(OQLF) le traitera. Se contentera-t-on de dire qu’il est « acceptable en vertu
des critères de traitement de l’emprunt linguistique en vigueur à l’Office
québécois de la langue française » selon la formule passe-partout que l’on
utilise désormais ? Le mot formé de deux mots grecs peut facilement être
adopté dans les langues indo-européennes occidentales. Mais il ne faudrait pas
négliger le problème de l’intégration orthographique en français. Le k est une lettre peu utilisée dans notre
langue, apparaissant en particulier dans les emprunts à des langues non indo-européennes
(koala, kimono, kibboutz…) ou aux
langues indo-européennes non classiques, c’est-à-dire autres que le grec et le
latin (kronprinz, knout, korrigan, kilt…).
Dans les mots empruntés au grec, le kappa est généralement représenté par un c : cinéma, cycle, cryogénie, etc. Il arrive qu’on le conserve
toutefois dans certains domaines spécialisés : kyste, kératite et kinésithérapie
(médecine), kérygme (religion)… Pour
certains mots, l’orthographe hésite : kola
ou cola, korê ou corê (mais on a
toujours kouros au masculin, non couros). Alors que fera l’Office ?
Osera-t-on franciser et écrire caquistocratie ?
Visite incognito à Paris |
La
nouvelle administration américaine fait déjà sentir son influence jusque dans le
domaine lexical : en anglais, le mot post-truth
est déjà de plus en plus utilisé (terme non encore traité par le GDT). Et depuis
cette semaine on parle de « faits alternatifs » (alternative facts) depuis que l’équipe de Trump conteste les
chiffres de présence à l’investiture du nouveau président : 160 000 personnes
selon le New York Times, contre 470 000 pour la marche des femmes le
lendemain.
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