lundi 10 juin 2019

Traducteur improvisé, prends garde!



Ainsi, dans État de siège, Michael Wolff dépeint le président se vantant de ses exploits sexuels. La plupart du temps, avec ses propres employées. Et la plupart du temps, sans générer de réaction. « Autour de lui, on dit “bah, c’est juste son parler de vestiaire habituel.”»
– Natalia Wisocka, « One-Trump-Show », Le Devoir, 10 juin 2019

Trump repeated his apology but downplayed the seriousness of his comments. "This was locker-room talk," he said. 
– Chris Megerian, Los Angeles Times, 9 octobre 2016


Parler de vestiaire ? On voit tout de suite que c’est une traduction de locker room talk. Et on a l’impression que ce n’est pas une expression idiomatique en français.


Voyons d’abord de que signifie locker room talk en anglais :

Any manner of conversation that polite society dictates be held privately - with small groups of like-minded, similarly gendered peers - due to its sexually charged language, situations or innuendos (Urban Dictionary).


L’exemple qui suit dans l’Urban Dictionary n’est pas sans rappeler les propos du président des États-Unis dans des contextes similaires : « Through the walls Tom could hear his teenage son and his friends talking excitedly about who was going to get laid first and he smiled as he remembered that kind of locker room talk from his own youth ».


Sur le site du Merriam-Webster, on peut lire:

Locker rooms have been with us since the middle of the 19th century, when they referred simply to rooms which had lockers and in which people changed their clothes. However, the word has also been used, for a considerable length of time, as an adjective, denoting things (especially talk) of a coarse or offensive nature.


En français, en pareil contexte, on parlerait plutôt de propos de corps de garde ou de langage de corps de garde :

Un « corps de garde » – la structure bâtie – est assez réduit en surface. Aussi le confort est-il sommaire. Il y a parfois une zone de vie et une zone de repos, mais souvent il n’y a pas de différenciation spatiale. […]
[…] Un « corps de garde » – la structure bâtie – est assez réduit en surface. Aussi le confort est-il sommaire. Il y a parfois une zone de vie et une zone de repos, mais souvent il n’y a pas de différenciation spatiale. 
[…]
Durant la Grande Guerre, la vie dans les tranchées, la promiscuité, la mort possible à tout instant, ont souvent favorisé chez les poilus un état d’esprit et un langage de « corps de garde ». 
– Gilles Aubagnac, « Le corps de garde et ses plaisanteries », Corps 12, 2014/1, pp. 119-121.


J’ai eu l’idée d’aller voir comment le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) traduisait locker room. Je me rappelais en effet que, dans les années 2000, une collègue m’avait raconté qu’elle avait empêché in extremis qu’on le traduise par « chambre des joueurs ». Son intervention n’aura pas eu d’effet à long terme. Ce qui est généralement considéré comme un anglicisme est maintenant accepté par l’OQLF « dans certains contextes », euphémisme pour dire que l’Office le légitime dans les faits : « Chambre des joueurs est un terme consacré au Québec dans le domaine du sport, et plus particulièrement dans le vocabulaire du hockey sur glace » (fiche de 2017).

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