Un courriel de Diane Lamonde (auteur d'Anatomie d'un joual de parade) m'incite à revenir sur la fiche commission scolaire
du Grand Dictionnaire
terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) dont j’ai
traité récemment (voir le billet « Faire de la terminologie à Babel »).
Voici un extrait de la longue note qui figure sur cette fiche :
Les commissions
scolaires ont été créées en 1845. Le terme commission scolaire figurait
d'ailleurs dans la Loi de l'instruction publique du 10 mars 1899. La réalité
que le terme désignait alors n'est plus tout à fait la même : à l'époque,
les commissions scolaires relevaient d'une autorité et lui faisaient rapport;
elles sont devenues des organismes qui exercent un pouvoir souverain dans leur
domaine de compétence. Même si la désignation commission est moins bien
adaptée à la réalité actuelle, le terme commission scolaire est, au
Québec, fortement lexicalisé.
Commentaire :
à en croire la note, le terme commission
scolaire était à l’origine employé à bon escient. La commission scolaire a
par la suite été remplacée par un autre type d’organisme, mutation que la note
minimise en disant que la désignation est « moins bien adaptée à la
réalité actuelle » – en fait, elle est inexacte mais le GDT l’accepte
quand même puisque le terme est « fortement lexicalisé ». C’est l’usage
au Québec, il va contre les principes de la terminologie, mais consignons-le
dans le GDT ! Pourquoi ne pas avouer simplement que le terme conseil scolaire serait préférable du
point de vue terminologique même s’il est peu vraisemblable qu’il remplacera commission scolaire à court terme ?
(Pour ce faire, il faudrait en effet une forte volonté politique…)
Cette fiche – récente, elle date de 2014 – est
un exemple parfait de la dérive lexicographique dénoncée dans leur manifeste
par un groupe d’anciens terminologues de l’Office (manifeste « Au-delà des mots, les termes ») : « l’Office ne
peut se limiter à observer et à enregistrer l'usage, ou les usages en
concurrence, comme l’exigerait la démarche lexicographique, car il a le mandat
de déterminer quel usage il faut préconiser », affirmaient les signataires
du manifeste.
Cerise sur le gâteau, la note se termine en
reconnaissant que, dans les autres provinces canadiennes, mais pas dans la
seule province qui a le français comme langue officielle, on emploie le terme
approprié du point de vue terminologique :
Le terme conseil
scolaire est employé, notamment, dans les autres provinces canadiennes pour
désigner le présent concept.
Deuxième cerise,
une citation de la banque de données Termium du Bureau de la traduction
(Ottawa) qui illustre on ne peut mieux la volte-face de l’Office :
Troisième cerise : la fiche numéro 47 (20 mars 1998) de la Commission de terminologie juridique du Québec: « Le mot commission ne peut désigner, dans une administration, l’autorité
décisionnelle suprême (ce qu’est dans son domaine de compétence, la commission
scolaire). » « La Commission de terminologie juridique du Québec recommande unanimement
le remplacement de commission scolaire par conseil scolaire ». Cette
commission a été créée conjointement par l’Office de
la langue française et le ministère de la Justice. Encore une
fois, un terminologue de l’Office a changé de son propre chef une décision
prise en concertation avec un partenaire extérieur (cliquer ici pour d’autres
exemples).
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