Le
Conseil international de la langue française et l’Association EROFA « Études pour une
rationalisation de l’orthographe française aujourd’hui » ont élaboré un
projet de réforme du participe passé. Le texte paraît dans la dernière livraison du Français moderne (LXXXII/2, p. 310-312). Je le reproduis ici :
L’orthographe
du participe passé est, depuis des générations, le pont aux ânes de la
grammaire scolaire. Les professeurs ont beau y consacrer d’année en année un
nombre important d’heures d’apprentissage, les résultats restent décevants.
Pourquoi ?
D’abord en
raison de la complexité des procédures.
Ensuite
parce que la plupart des finales écrites ne s’entendent pas et que, d’ailleurs,
même en cas de terminaison féminine ou plurielle audible, la pratique orale
tend à ne plus marquer les accords ou à effectuer des accords contrevenant à la
norme.
Face à cette
situation, plusieurs linguistes ont décidé qu’il était de leur devoir
d’intervenir. Leur conviction est qu’une nouvelle logique grammaticale
s’installe. Si les Autorités décidaient de la permettre officiellement, non
seulement la langue française n’y perdrait rien, mais le temps économisé à
l’école pourrait être mis au service d’objectifs plus utiles.
Ci-joint le
texte de la motion que le Conseil international de la langue française
et l’Association EROFA « Etudes pour une rationalisation de l’orthographe
française aujourd’hui » ont élaborée.
Nous
souhaitons vivement que vous vouliez bien nous faire part de vos observations
et que vous souteniez notre démarche en l’appuyant, y compris publiquement.
Pour un
assouplissement des règles d’accord du participe passé
Les
difficultés de l’accord du participe passé (en abrégé PP) sont notoires. Des
enquêtes ont montré que les professeurs de français y consacrent environ 80
heures de théorie et d’exercices au cours d’une scolarité ordinaire. Ce ne
serait qu’un moindre mal si le succès couronnait l’entreprise. On en est loin.
Face aux manquements qui abondent dans les copies d’élèves et dans la bouche ou
sous la plume de leurs ainés, des voix réclament d’un peu partout une
remédiation.
Le CILF ‘Conseil
international de la langue française’ et le groupe EROFA ‘Études pour une
rationalisation de l’orthographe française’ soumettent à cet effet aux
Autorités gouvernementales et aux Instances de la Francophonie trois
propositions *.
1° Les PP
employés sans auxiliaire et les PP conjugués avec l’auxiliaire être s’accordent
avec le mot ou la suite de mots que l’on trouve à l’aide de la question
« Qui ou qu’est-ce qui est (n’est pas) PP ? ».
2° Les PP des verbes pronominaux pourront s’accorder avec le mot ou la suite de mots que l’on trouve à l’aide de la question « Qui ou qu’est-ce qui s’est (ne s’est pas) PP ? » augmentée des éventuels compléments du verbe.
3° Les PP conjugués avec l’auxiliaire avoir pourront s’écrire dans tous les cas au masculin singulier.
2° Les PP des verbes pronominaux pourront s’accorder avec le mot ou la suite de mots que l’on trouve à l’aide de la question « Qui ou qu’est-ce qui s’est (ne s’est pas) PP ? » augmentée des éventuels compléments du verbe.
3° Les PP conjugués avec l’auxiliaire avoir pourront s’écrire dans tous les cas au masculin singulier.
La première
proposition n’entraine aucune modification concrète (voir ci-dessous 1). La
deuxième et la troisième proposition rejoignent des pratiques de plus en plus
répandues. Précisons qu’il ne s’agit pas de révoquer la norme officielle,
représentative d’un registre de langue soutenu, mais, comme l’usage la
transgresse fréquemment, d’ouvrir aux utilisateurs un espace de liberté, qui a
d’ailleurs sa logique (voir ci-dessous 2 et 3).
Commentaires
linguistiques
1° Le
premier point de la proposition 1 ne remet pas en cause le figement optionnel
des PP à valeur de préposition, d’adverbe ou de phrase condensée : Passé
la poterne… = « après ». Vous trouverez ci-joint les documents
= « ci-contre ». Fini les vacances ! = « c’est
fini » ou « adieu », etc. Le second point semblerait contredit
par des exemples tels Il est tombé des hallebardes (question
« qu’est-ce qui est tombé ? », réponse « des
hallebardes ») ; or, le propre de la tournure impersonnelle —
indépendamment de l’auxiliaire être ou avoir — est justement de
mettre en lumière l’évènement qu’exprime le verbe plutôt que les participants à
l’évènement.
2° La proposition 2 étend à l’ensemble des verbes pronominaux l’accord des PP à pronom morphologiquement ou sémantiquement indispensable (du type Marie s’est absentée ou du type Marie s’est aperçue d’un détail = « a pris conscience). Beaucoup d’auteurs classiques en usaient déjà ainsi.
3° La proposition 3 s’inscrit dans le droit fil de la perte d’autonomie des PP au sein de formes verbales dont la cohésion ne cesse d’augmenter depuis le Moyen Âge. Quand le poète de Cour Clément Marot préconisait en 1538 l’accord du PP avec le substantif « qui va devant », il légitimait indirectement l’absence d’accord avec le substantif postérieur et enclenchait le processus d’invariabilité généralisée.
2° La proposition 2 étend à l’ensemble des verbes pronominaux l’accord des PP à pronom morphologiquement ou sémantiquement indispensable (du type Marie s’est absentée ou du type Marie s’est aperçue d’un détail = « a pris conscience). Beaucoup d’auteurs classiques en usaient déjà ainsi.
3° La proposition 3 s’inscrit dans le droit fil de la perte d’autonomie des PP au sein de formes verbales dont la cohésion ne cesse d’augmenter depuis le Moyen Âge. Quand le poète de Cour Clément Marot préconisait en 1538 l’accord du PP avec le substantif « qui va devant », il légitimait indirectement l’absence d’accord avec le substantif postérieur et enclenchait le processus d’invariabilité généralisée.
Participe passé des verbes pronominaux
Norme actuelle |
Propositions |
Elle s’est absentée |
Elle s’est absentée |
Les chemises se sont bien
vendues |
Les chemises se sont bien
vendues |
Elle s’est blessée |
Elle s’est blessée |
Elle s’est regardée dans
le miroir |
Elle s’est regardée dans
le miroir |
Marie et Julie se sont
embrassées |
Marie et Julie se sont
embrassées |
Ils se sont menti |
Ils se sont mentis |
Elle s’est lavé
les cheveux |
Elle s’est lavée
les cheveux |
Les cheveux qu’elle s’est
lavés… |
Les cheveux qu’elle s’est
lavée… |
Elles se sont ri
de son air jovial |
Elles se sont ries
de son air jovial |
Ils se sont abstenus de
répondre |
Ils se sont abstenus de
répondre |
Elles se sont regardées
et elles se sont plu |
Elles se sont regardées
et elles se sont plues |
Ces spectacles qui se
sont succédé… |
Ces spectacles qui se
sont succédés… |
Elles se sont faites les
arbitres de la discussion |
Elles se sont faites les
arbitres de la discussion |
Le pavillon qu’elles se
sont fait construire… |
Le pavillon qu’elles se
sont faites construire… |
Elles s’étaient crues
responsables |
Elles s’étaient crues
responsables |
Elle s’est dit
que… |
Elle s’est dite
que… |
Norme actuelle |
Propositions |
Ils ont mangé la pomme |
Ils ont mangé la pomme |
La pomme qu’ils ont mangée |
La pomme qu’ils ont mangé |
Elle a lu tous les contes
qu’elle a voulu |
Elle a lu tous les contes
qu’elle a voulu |
Les trente euros que ce
billet a couté |
Les trente euros que ce
billet a couté |
Les ennuis que ces
paroles m’ont valus |
Les ennuis que ces
paroles m’ont valu |
L’histoire qu’ils ont trouvée
amusante |
L’histoire qu’ils ont trouvé
amusante |
Les airs que j’ai entendu
jouer |
Les airs que j’ai entendu
jouer |
Les musiciens que j’ai entendus
jouer |
Les musiciens que j’ai entendu
jouer |
Les artistes qu’ils ont
fait venir |
Les artistes qu’ils ont
fait venir |
Les journaux qu’on m’a
dit être bien informés |
Les journaux qu’on m’a
dit être bien informés |
Les travaux qu’ils ont eu
à faire |
Les travaux qu’ils ont eu
à faire |
Vous pouvez commenter le projet de réforme sur ce blog ou vous pouvez transmettre vos commentaires sur le blog du CILF.
"Le pavillon qu’elles se sont fait construire…"
RépondreSupprimerdoit être conservé : C'est la transformation de "Elles se sont fait construire un pavillon."
"Elle s'est dit que" doit être conservé. C'est la construction "se dire que".
Sinon, on se rééloigne de la langue réelle pour pondre une règle d'école : c'est répéter l'erreur...