Dans
son billet « Quelques âneries relevées dans le tract des Linguistes atterrées », Lionel Meney relève celle-ci : « L’anglais ne
connaît pas de genre grammatical » (p. 17). Parmi les signataires du
tract, je connais deux ou trois linguistes fort respectables. Je ne comprends
pas comment cette sottise ait pu échapper à leur attention.
Il y
a trois genres en anglais et cela est particulièrement clair dans le système
pronominal : he, she, it. Dans cette langue, on doit même préciser si
le possesseur est un homme ou une femme (his, her) ou s’il est inanimé (its).
Certains
noms inanimés ont même un genre autre que le neutre : les voitures automobiles et les bateaux
sont féminins. Pour faire le plein d’essence, on dit fill her up (à ne pas
interpréter comme une injonction machiste !).
Il y
a un usage anglais des pronoms qui est particulièrement déroutant pour un
francophone et qui aurait dû signaler aux linguistes atterré·e·s qu’iels (!) étaient
dans l’erreur (encore eût-il fallu qu’iels connussent l’anglais à un niveau
dépassant l’Assimil) : c’est l’utilisation du pronom pluriel they pour
se référer à un antécédent indéterminé ou désigner une (seule) personne, ce qui
permet d’éviter d’en préciser le sexe. L’usage de they pour désigner un
singulier est ancien (remontant au Moyen Âge) mais il a été longtemps critiqué.
Avec la vague du politico-linguistiquement correct, il se généralise dans l’écriture
dite inclusive ou épicène. J’en ai relevé de nombreux exemples dans le dernier
roman d’Anthony Horowitz, Marble Hall Murders :
(1)
Someone’s
thrown themselves under a tube and the whole Central line is shut down.
(p. 165)
(2)
He
dressed, moved and smiled like someone who took care of themselves and knew
their efforts had paid off. (p. 242)
Dans
l’exemple 2, il est difficile de comprendre pourquoi l’auteur n’a pas écrit
plus spontanément care of himself et knew his efforts. Je me demande
si cela n’est pas dû au zèle intempestif de quelque copy editor.
Quiconque a déjà publié comprendra ce soupçon.
(3)
[…]
I saw someone creep out of her room […] and the next day she was dead. I can
even tell you how they did it […]. (p. 362)
L’exemple
3 est encore plus curieux. Il n’y a qu’un seul suspect, de sexe indéterminé (someone),
mais il devient pluriel dans la phrase suivante (they).
(4) Every child expects their mother to love them. (p.379)
Cette
dernière citation est un exemple chimiquement pur de l’utilisation d’un pronom
pluriel pour neutraliser l’expression du genre.