Il y a déjà plusieurs semaines il y a eu,
sur une page Facebook à laquelle je suis inscrit, une petite discussion
suscitée par le commentaire suivant :
Lors de la période des questions de la séance
extraordinaire de l’Assemblée nationale (2 juillet, à 13 h 30),
le premier ministre a révélé qu’il comptait « faire des représentations »
auprès du gouvernement fédéral. L’Opposition le questionnait sur la tragédie de
Lac-Mégantic. Il faudrait que les conseillers du chef de gouvernement lui
rappellent que « faire des représentations » est un calque de l’anglais.
Tel est l’avis consigné dans la Banque de dépannage linguistique (OQLF), dans
le Français au micro (Radio-Canada)
et dans 1 500 pièges du français…
On y conseille de remplacer l’expression par « intervenir », « faire
des interventions », « faire des démarches », « exercer des
pressions ». Pour sa part, Usito, le dictionnaire établi à l’Université de
Sherbrooke, juge l’expression vieillie, sans plus. En somme, le premier
ministre a tout avantage à l’abandonner immédiatement, en début de mandat car,
tôt ou tard, il aura l'occasion de se reprendre.
J’ai
immédiatement réagi par ce commentaire :
Sur quelle base
Usito se permet-il d'affirmer que l'expression est vieillie ? Elle me
semble au contraire bien vivante au Québec. Il faut se demander si Usito est
capable d'assumer les usages québécois qu'il prétend décrire – non pas
seulement décrire, mais en plus hiérarchiser !!!
Puis Lionel Meney (Dictionnaire québécois-français : pour mieux se comprendre entre
francophones) a publié cette observation :
Usito se trompe
totalement quand il dit que « faire des représentations » est
vieilli. Dans la base de textes Eureka, on relève 5 500 cas d'emploi de
l'expression dans la presse québécoise au cours des dernières années... Faire
et adresser des représentations, dans
ce sens, sont absents de la presse francophone européenne (site Eureka).
En consultant le
Trésor de la langue française informatisé, on voit que « faire
des représentations » est tout à fait standard, particulièrement dans le
domaine diplomatique :
Adresser,
faire des représentations à qqn. Aux représentations amicales qu'il me fit sur
la gravité du risque et le peu de nécessité de m'y lancer, n'étant pas du
métier, je répondis par un aveu succinct, mais expressif, de ma situation, de
mon ennui, de mon impatience d'agir (SAINTE-BEUVE, Volupté, t. 1, 1834, p. 219).
V. infra ex. de Chateaubriand.
[Dans la lang. diplom.] Observation comminatoire faite par un état ou un gouvernement à un autre. Le cabinet de Russie, à propos de l'arrestation du duc d'Enghien, adressa des représentations vigoureuses contre la violation du territoire de l'Empire (CHATEAUBR., Mém., t. 2, 1848, p. 176).
D’où peut donc bien venir l’affirmation d’Usito
que l’expression « faire des représentations » est vieillie ? Comme disait la marquise, je
vous le donne en dix, je vous le donne en cent, je vous le donne en mille : des dictionnaires de Paris !
On m'a en effet signalé que cette acception est
bien marquée vx dans le Petit Robert et le Petit
Larousse.
Encore un cas où
Usito nous impose, sans le savoir, la norme européenne contre laquelle il
n'arrête pas de se prononcer :
Dans les
dictionnaires provenant de France, la mise en contexte est européenne. La
littérature québécoise est absente, tout comme les mots spécifiquement utilisés
chez nous […]. C'est acculturant » (La
Croix, 5 juillet 2008).
Nos
anticolonialistes sont donc des vecteurs inconscients du colonialisme
linguistique de Paris... Misère !
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