Dans le Soleil
du 2 septembre, Gabrielle Thibault-Delorme nous offre un « Petit lexique pour le novice de la construction ». Ces termes sont souvent
familiers ou sont des anglicismes. N’étant pas spécialiste du domaine (en fait,
je n’y connais rien), je ne suis pas sûr que les équivalents proposés relèvent
toujours du français standard. Par ailleurs, la présentation des termes laisse à désirer
du point de vue lexicographique : c’est ainsi qu’on n’indique pas si buffer, ou shimmer, par exemple, sont des noms ou des verbes. Mais l’article a le
mérite de fournir une liste de mots couramment utilisés au Québec dans les quincailleries. Cette liste nous permettra de
juger de l’utilité du Grand
Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française
(OQLF) pour franciser ce secteur de l’économie.
Dans la
première colonne, on trouvera les mots traités dans l’article de Gabrielle
Thibault-Delorme. Dans la deuxième, les commentaires de la journaliste et les équivalents
qu’elle propose. Dans la troisième, je rendrai compte du traitement que le GDT
fait de ces termes.
Termes
|
Commentaires de G. Thibault-Delorme
|
Traitement du terme dans le GDT
|
Bolt
|
Boulon. Petit objet de métal composé d'une vis et d'un écrou.
|
Le GDT a plusieurs fiches « bolt », correspondant à des
domaines divers. Difficile pour l'usager ordinaire de s'y retrouver.
|
Boteuse
|
Scie à onglets
|
Le GDT a une fiche « botteur » (fém. botteuse) mais dans le
domaine du football. La fiche « scie à onglets » ne parle pas de boteuse :
le GDT, pourtant friand des termes de la « langue courante », a
oublié celui-ci.
|
Buffer
|
Rectifieuse. Outil utilisé pour lisser
ou arrondir une surface avec des disques abrasifs ou une courroie (buffer). Aussi appelé grinder.
|
Quand on tape les mots buffer
et grinder dans le GDT, on est
envoyé respectivement aux fiches « mémoire sensorielle » et « frottement » –
rien qui concerne l’industrie de la construction. Le GDT a toutefois trois
fiches « rectifieuse »
|
Cesar
|
Scie alternative. Contraction des termes
saw all
|
Cesar est absent du GDT. De
même saw all (terme qui me semble
curieux ; peut-être la journaliste a-t-elle mal transcrit le mot). Le
GDT a toutefois quatre fiches « scie alternative ».
|
Drill
|
Perceuse électrique. Utile pour percer
un trou dans une surface (driller)
|
On trouve quatre fiches comprenant le mot drill. Il faut taper « electric drill » pour avoir l’équivalent
français perceuse électrique. À noter
que la fiche ne comporte pas de définition mais seulement une longue
note. Curieux dans un dictionnaire !
|
Flashing
|
Solin réversible. Matériel pour toiture.
Aussi appelé starter à toiture
|
À partir du seul mot flashing,
il est impossible de trouver dans le GDT un équivalent français dans le
domaine de la construction. Pourtant le GDT a bien une fiche « solin »
avec équivalent anglais flashing.
Le GDT n’a rien sur starter à
toiture.
|
Fort
|
Unité de mesure qui désigne une fraction de
plus. Par exemple, l'expression «13 pouces 1/4 fort» désigne une mesure
un peu plus grande que 13 pouces et 1/4.
|
Cet emploi relève de la langue parlée familière. Il est normal qu’il
ne soit pas traité dans un dictionnaire spécialisé comme le GDT.
|
Fourrure ou forence
|
Latte de bois en épinette de 1 po x 3 po
x 8 po
|
Le GDT a bien fourrure au sens de « pièce de bois pour combler
un vide ». Forence est un
terme déconseillé.
|
K3
|
Panneau de particules de bois
|
Terme non traité. Marque de commerce ?
|
O'gee
|
Moulure décorative pour le plafond
|
Le GDT donne comme équivalent doucine.
|
O'ring
|
Petit anneau en caoutchouc
|
Le GDT donne comme équivalent joint
torique.
|
Rip
|
Aspenite. Copeaux de bois. Matériel
utilisé pour des panneaux de construction.
|
Le GDT a le mot ripe, « canadianisme
à éviter » (fiche produite par l’École québécoise du meuble en 1987). Cette
condamnation d’un mot de cheu nous
a échappé à l’attention des terminologues endogénistes : gageons que la
fiche sera refaite sous peu!
|
Sheating
|
Fibre naturelle de bois. Utilisé pour
des panneaux muraux.
|
Le mot sheating apparaît
dans plusieurs fiches du GDT. Il s’agit probablement d’une planche de
revêtement, terme traité par le GDT. L’usager non linguiste trouvera
difficilement un équivalent français s’il ne connaît que le mot sheating.
|
Shimmer
|
Combler un vide à l'aide de bardeaux de
cèdre. Pour mettre à niveau le bas d'une porte, par exemple, ou pour
boucher un trou autour d'une fenêtre. Aussi appelé «caler».
|
Le GDT n’a pas le verbe franglais shimmer.
Mais il a to shim, « caler ».
|
Skillsaw
|
Scie circulaire
|
Le GDT n’a pas skillsaw. L’usager
qui ne connaît que ce terme ne trouvera pas l’équivalent scie ronde, pourtant traité par le GDT.
|
Stud
|
Colombage d'acier. Pour retrouver les
colombages d'acier une fois le mur construit, on se sert d'un détecteur de
colombage d'acier (stud finder).
|
Le terme anglais est visiblement incomplet. Le GDT a toutefois une
fiche « stud finder », équivalent français : détecteur de montant. Ce qui permet de
déduire que stud devrait
probablement se traduire par montant.
|
Veneer
|
Contreplaqué. Panneau obtenu par une
succession de couches de bois minces. Veneer est
aussi un terme utilisé en dentisterie pour désigner une couche de porcelaine
fine.
|
Le GDT donne comme équivalent placage,
« feuille de bois mince ». Le GDT a plusieurs fiches « contreplaqué »
mais aucune produite par ses propres terminologues. Selon le Bureau de
normalisation du Québec, le contreplaqué est une « feuille de placage
plus épaisse que le placage de surface ».
|
Washer
|
Rondelle. Anneau de métal placé entre la vis
et l'écrou.
|
Terme traité depuis longtemps par le GDT (fiche de 1973).
|
Zigonneux
|
Outil oscillant. Utilisé pour
«zigonner», soit découper, meuler, décaper ou sabler. Le «zigonneux» peut
aussi désigner la personne qui manie l'outil.
|
Terme non traité par le GDT.
|
Comme on le voit à la lecture de la liste
des termes établie par la journaliste du Soleil,
la langue du domaine de la construction comprend de nombreux termes familiers souvent empruntés à l’anglais (pas toujours, p.ex. zigonneux, qui est un québécisme), souvent sous une forme abrégée. Il est alors très
difficile pour un usager de trouver un équivalent français dans le GDT.
Depuis quelques années, il est à la mode de
parler de socioterminologie. Il serait peut-être temps que les adeptes de la
socioterminologie aillent dans les entreprises et les commerces pour dresser la
liste des termes en usage. La simple confrontation de la liste des termes
relevés par la journaliste du Soleil
avec la nomenclature du GDT montre déjà à quel point ce dernier semble peu
adapté à sa mission de franciser la langue du travail.
Quand on voit tout le travail qu’il reste à
faire en francisation, on comprend mal que l’Office préfère consacrer ses
ressources à défaire et à refaire d’anciennes fiches (voir mon billet « À rebours de l’usage »).
*
* *
Lors de mes recherches, je suis tombé sur
une curiosité dont je ne peux m’empêcher de vous faire part : le GDT a une
fiche « solin du trou d’homme » (produite, il est vrai, par le Canadien
Pacifique) !
Ce qui évoque tout naturellement le sapin ambigu de la place
Vendôme à Paris en 2014 :
|
Source: Le Monde, 17 octobre 2014 |