Hier, l’animatrice de « Plus on est de
fous, plus on lit » sur Radio-Canada Première, Marie-Louise Arseneault, a repris un segment d’une émission
diffusée il y a quelques mois. On y discutait du féminin autrice qui, a-t-on dit, était de plus en plus utilisé depuis son approbation
par l’Académie française en février 2019. N’ayant jamais entendu parler de
cette officialisation, j’ai voulu vérifier dans le dictionnaire de l’Académie
dont la 9e édition, toujours inachevée, est facilement accessible
en ligne. Or, l’Académie y maintient sa position traditionnelle : auteur est un nom masculin, sans
féminin. D’où peut bien venir alors la croyance que l’Académie a entériné la
forme féminine autrice ?
Apparemment d’une mauvaise lecture du rapport sur la féminisation que l’Académie
a publié justement en février 2019 :
Un cas épineux
est celui de la forme féminine du substantif « auteur ». Il existe ou
il a existé des formes concurrentes, telles que « authoresse » ou « autoresse »,
« autrice » (assez faiblement usité) et plus souvent aujourd’hui « auteure ».
On observera que l’on parle couramment de « créatrice » et de « réalisatrice » :
or la notion d’« auteur » n’est pas moins abstraite que celle de « créateur »
ou de « réalisateur ». « Autrice », dont la formation est
plus satisfaisante, n’est pas complètement sorti de l’usage, et semble même
connaître une certaine faveur, notamment dans le monde universitaire, assez
rétif à adopter la forme « auteure ». Mais dans ce cas, le caractère
tout à fait spécifique de la notion, qui enveloppe une grande part
d’abstraction, peut justifier le maintien de la forme masculine, comme c’est le
cas pour « poète » voire pour « médecin ». L’étude de ce
cas illustre l’ancrage dans la langue des formes anciennes en « ‑trice »,
ce mode de féminisation ayant toujours la faveur de l’usage.
J’ai appris en écoutant l’émission de Marie-Louise
Arseneault qu’un groupe de féministes s’opposait fermement à la forme autrice et qu’elles voulaient continuer
de faire la promotion d’auteure,
féminin qu’elles avaient réussi à imposer au Québec. Or, comme l’a montré Lionel Meney, auteure est en train de
perdre du terrain face à autrice dont
l’emploi a connu ce qu’il appelle une véritable explosion en 2019 tant au
Québec qu’en France.
Il est pour le moins curieux que la simple
rumeur d’une approbation par l’Académie française ait eu autant d’influence au
Québec sur l’usage du féminin autrice.
Cela n’est pas sans rappeler le sort réservé au mot sidatique, proposé dans les années 1980 par l’Office (pas encore
québécois) de la langue française pour désigner une personne atteinte du virus
du sida. Dès que l’Académie de médicine se fut prononcée en faveur de sidéen (en 1987, si je ne fais erreur),
c’est ce mot qui s’imposa au Québec quasiment du jour au lendemain. Mais l’Office,
qui ne s’avoue jamais vaincu, continue toujours de donner le synonyme sidatique dans son Grand Dictionnaire
terminologique.
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