Il y
a quelques mois j’ai lu La lumière du bonheur d’Éric Emmanuel Schmitt,
le quatrième tome de La traversée des temps, saga racontant l’histoire
de l’humanité. Noam, né au néolithique, poursuit son odyssée à travers le
temps. Il se retrouve à Lesbos vers 600 av. J.-C., où il tombe amoureux de
Sappho. Puis il passe quelques décennies caché au sommet du Parnasse et, par un
exploit aux jeux d’Olympie, il devient citoyen d’Athènes et prend le nom
d’Argos. Il épouse Daphné, sœur de Xanthippe. Or, qui est Xanthippe ?
C’est la femme de Socrate. Et voilà Noam-Argos frayant avec tout ce qui compte
dans l’Athènes de cette époque : Socrate bien sûr, le grand stratège
Périclès, son hétaïre Aspasie et son neveu le bel Alcibiade, le stratège
Nicias, etc. Et il est témoin d’événements historiquement et littérairement
marquants : la guerre du Péloponnèse, le scandale de la mutilation des
Hermès, la préparation de l’expédition de Sicile, le banquet donné par Agathon
auquel participe Socrate et que vient troubler un Alcibiade ivre.
Tous
ces éléments constituent la trame de la méthode d’initiation au grec ancien Ikaros
du père Raymond Tremblay, publiée à compter de 1962. Après avoir résumé
l’histoire de la Grèce des origines jusqu’à 432 av. J.-C., le
rédemptoriste (qui lisait son bréviaire en grec ai-je appris) raconte la vie
romancée d’Ikaros, fils d’Alcibiade. En fait, le personnage principal est
plutôt Alcibiade. Les textes grecs sont des adaptations d’Hérodote et de
Thucydide ou bien du P. Tremblay lui-même. Dans le seul compte rendu de
l’ouvrage que j’ai trouvé, l’helléniste Gilles Maloney croit que « l'auteur
semble avoir été influencé par Thucydide sur le plan stylistique, l'obscurité
de l'historien mise à part ». Un de mes professeurs disait, sourire en
coin, que c’était du grec de Sainte-Anne-de-Beaupré…
En
lisant Éric Emmanuel Schmitt, j’ai retrouvé l’affaire des Hermès que j’avais
découverte en Syntaxe (= deuxième secondaire) :
Le P. Tremblay
s’est gardé de donner des détails sur le scandale religieux de la mutilation des
statues d’Hermès (mutilation à la face avant, περιεκόπησαν τὰ
πρόσωπα, nous dit Thucydide).
Dans
Ikaros on trouve aussi un portrait de Socrate par Alcibiade qui est une adaptation d’un
passage du Banquet de Platon :
Le
même épisode chez Éric Emmanuel Schmitt est évidemment plus élaboré (à partir
de la page 290 : « Ce soir-là, j’accompagnai Socrate chez le poète
Agathon…») et contient des éléments que les anciennes règles de la pudeur exigeaient
de relater en latin. Aujourd’hui, on réussit à suggérer le tout en recourant au
pronom iel.
A posteriori
je me rends compte qu’il fallait au P. Tremblay une certaine audace pour
faire d’Alcibiade le personnage central de sa méthode de grec.
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