mardi 20 septembre 2011

Banderilles / 11


La poêle, le poêlon et la poêlonne


L’art du polémiste, c’est de frapper sur le bon clou, d’y frapper assez fort pour qu’il s’enfonce, pour qu’on soit obligé de parler du problème plus profondément.

– Victor-Lévy Beaulieu

(cité par Marie-Andrée Chouinard, « Courage et couardise », Le Devoir, 20 septembre 2011, p. A6)


Ce pourrait presque être le titre d’une fable de La Fontaine. Mais ce sera simplement une chronique de plus sur le Grand Dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française.


Le Trésor de la langue française informatisé définit ainsi la poêle :

« Ustensile de cuisine en métal, de forme ronde, à bords bas et légèrement inclinés, muni d'une longue queue et servant à cuire certains aliments à feu vif. »


Et le poêlon :

« Casserole de cuivre ou de terre, à manche creux le plus souvent, utilisée pour les préparations mijotées. »


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La version dite « bêta » de Franqus reprend les définitions du Trésor de la langue française de Nancy. J’indique par des caractères rouges les changements que Franqus apporte aux définitions du TLF.


Poêle : « Ustensile de cuisine en métal, généralement de forme ronde, à bords bas et légèrement inclinés, muni d'une longue manche queue et servant à cuire des certains aliments à feu vif. »


Poêlon, sens 1 : « Casserole de cuivre ou de terre, généralement à manche creux le plus souvent, utilisée pour les préparations mijotées. » Sens 2 : UQ [=usage québécois] « poêle à frire ».


On aura noté que Franqus mentionne qu’au Québec le mot poêlon a aussi le sens de « poêle à frire ».


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Les dictionnaires Larousse et Robert ont des définitions qui concordent avec ce que nous venons de voir.


Pour les ouvrages lexicographiques cités jusqu’à présent, la poêle a un bord bas, un manche long  et est utilisée pour faire sauter, revenir, frire des aliments. Le poêlon est en matériau épais, à bord haut et muni d’un manche souvent creux et il sert à mijoter des aliments.





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Pour le GDT, il n’y pas de différence entre la poêle et le poêlon, sauf peut-être de niveau de langue :

Poêle à frire : « Ustensile de cuisson rond de faible profondeur, à rebords évasés et muni d'une longue queue, dont on se sert pour frire ou sauter des aliments. » Synonyme : « poêlon [langue courante] »


Poêlon : « Casserole de petite contenance, en métal ou en terre cuite, généralement à bord droit, demi-haut, muni d'un manche et souvent d'un couvercle, qui sert à mijoter, à braiser ou à sauter des aliments. »


Par rapport aux définitions données par les autres dictionnaires, le GDT ajoute que le poêlon sert à sauter des aliments – pour les autres dictionnaires, il sert à préparer des aliments mijotés. Mais, dans le GDT, on n’en est plus à une extension de sens près.


On peut bien se demander aussi pourquoi, tant qu’à y être, le GDT ne fait pas aussi mention de la poêlonne. Après tout, le Trésor de la langue française au Québec a relevé, depuis 1655, 87 attestations de ce mot (contre 95 pour poêlon). Mais le TLFQ n’a toutefois pas relevé cette citation de l’ancien politicien, aujourd’hui chroniqueur télé, Jean Lapierre : «Mario Dumont, il est collé dans le fond de la poêlonne » (cité par Antoine Robitaille, « L’ADQ et la ‘poêlonne’ », chronique « Mots et maux de la politique », site Internet du Devoir, 19 novembre 2008).


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Il y a lieu de s’interroger sur la marque « [langue courante] », de plus en plus fréquente dans les fiches du GDT. On pourrait croire qu’on indique par là que le terme est familier par rapport à un autre qui serait de niveau soutenu, que cet usage familier serait connu dans d’autres pays francophones. En fait, le GDT veut plutôt dire : couramment au Québec. Il faudrait que l’Office québécois de la langue française s’interroge enfin sur la marque « [langue courante] ». Elle est pour le moins ambiguë. Et on ne voit pas ce que la langue courante vient faire dans les entrées d’un dictionnaire spécialisé, ce qu’est par définition un dictionnaire terminologique.


Plus fondamentalement, l’Office devrait se demander :

Quelle est l’utilité d’un dictionnaire censément « terminologique » qui ne fait qu’entériner traductions littérales et extensions de sens ?


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Pour terminer ce billet sur une note plus gaie, je vous propose d’écouter le contre-ténor Philippe Jaroussky dans son interprétation de La Diva de L’Empire d’Érik Satie (début à la 50e seconde). Il s’agit d’un extrait du concert Carte Blanche à Philippe Jaroussky au Théâtre des Champs-Élysées le 17 décembre 2010.


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