mardi 7 avril 2015

Breuvage et cabaret : deux poids, deux mesures


Fin novembre, un membre [de l’Asulf] a fait part aux autorités administratives de l’Assemblée nationale du fait qu’une affichette manuscrite et le napperon calendrier des menus de la semaine du Café parlementaire présentaient deux fautes : « cabaret », au lieu de plateau, et « breuvage », au lieu de boisson. Il était 9 h 55. À midi, le même jour, l’affichette « cabaret » a été remplacée par une autre portant la mention « plateau ». Le mot « breuvage » a été gommé par la suite sur le napperon. On lisait sur celui du 12 au 16 janvier : « … une boisson (thé, café, tisane, verre de jus ou de lait) ». Malheureusement, le mot « breuvage » a refait son apparition par la suite (semaine du 9 au 13 mars, par exemple).
L’expression juste (bulletin de l’Asulf), mars 2015


La lecture de cet articulet du bulletin de l’Association pour le soutien et l’usage de la langue française m’a poussé à retourner voir ce que le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) disait des termes cabaret et breuvage.


Dans une fiche rédigée en 2009, le GDT estime que cabaret (au sens de « plateau »), « terme utilisé dans certains contextes », appartient à la « langue courante ». Il ajoute la note suivante :

Le terme cabaret dans ce sens, qui est très répandu au Québec dans la langue courante, est un héritage de France; il découle de celui de « petite table ou plateau pour tasses à café, à thé, etc. » aujourd'hui considéré comme vieilli dans les quelques dictionnaires qui le consignent.


Dans une fiche rédigée en 2015, le GDT considère que breuvage est un « terme déconseillé ». Avec la note :

C’est sous l’influence de l’anglais beverage que breuvage continue d’être employé en français québécois pour désigner le concept de « liquide qui se boit ». Ce sens de breuvage a eu cours ailleurs en francophonie jusqu’à la fin du XIXe siècle.


Tout comme cabaret au sens de « plateau », breuvage au sens de « boisson » est « utilisé dans certains contextes » et relève de la « langue courante », ce que le GDT se garde de dire. Les termes sont tous les deux vieillis en français standard. On ne comprend pas pourquoi l’un est accepté, l’autre déconseillé.


*   *   *


Le GDT accepte maintenant limonade au sens de « citronnade » (fiche de 2014). Pourtant on peut faire valoir que, comme dans le cas de breuvage, « c’est sous l’influence de l’anglais » que limonade « continue d’être employé en français québécois » au lieu de citronnade. Alors pourquoi le mot limonade n’a-t-il pas droit au même traitement que breuvage ?


Ferdinand de Saussure a introduit en linguistique la notion d’arbitraire du signe. Le GDT propose une notion nouvelle, celle d’arbitraire terminologique.

*     *    *

Sur la fiche cabaret, voir aussi mon billet « Cabaret ou plateau ? »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire