« Je ne sais, écrivait Langevin en 1962, s’il est possible de maintenir une culture
contre la force des choses, contre l’envahissement irrésistible d’une
civilisation étrangère qui nous pénètre et nous imprègne de partout. Je ne sais
s’il est possible de recréer en français notre part d’Amérique, mais je sais
que la fidélité à notre être collectif l’exige, mais je sais que, hors de cette
culture, nous ne sommes rien. »
Cité
par Louis Cornellier, « André Langevin et le destin du Québec », Le Devoir, 9 mai 2015
Recréer
en français notre part d’Amérique, c’est la tâche à laquelle s’est attelé le
premier Office de la langue française comme on le voit dans cette citation de
Jean-Claude Corbeil :
« L’action de l’Office a été une
entreprise de décolonisation. On doit la mettre dans la même perspective que la
publication de Nègres blancs d’Amérique ou du Journal d’un colonisé
de Memmi. À l’époque de la création de l’Office, les Québécois se resituaient
en tant que majorité maîtrisant ses propres institutions. On s’est trouvé dans
l’obligation de décoloniser la langue tout comme les institutions publiques,
l’économie, etc. Il a donc fallu franciser les entreprises et faire un ménage
dans nos anglicismes. Par exemple, le mot bumper doit disparaître non
pas parce que c’est un mot anglais, mais parce qu’il fait partie de la logique
de la colonisation anglaise. Cette colonisation, nous en sommes toujours
menacés. Il faut être vigilant, sinon on va un jour ou l’autre passer à
l’anglais. »
Jean-Claude
Corbeil cité par Pierre Turgeon, « La bataille des dictionnaires », L’Actualité,
avril 1989, p. 22.
Depuis, l’Office (devenu québécois)
de la langue française a tourné casaque et propose de nous faire parler anglais
avec des mots français – ce que Gaston Miron appelait le « traduitdu ».
C’est cette situation qui a été dénoncée dans le manifeste des ex-terminologues de l’Office. Dénonciation du processus de traduction littérale systématique,
dénonciation en fait de la légitimation de la production massive de calques :
kitchen counter à comptoir de
cuisine (plutôt que plan de travail),
lemonade à limonade
(plutôt que citronnade), etc.
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