Le 11 janvier, Lionel Meney
annonçait sur le fil de discussion d’un réseau de chercheurs la parution de son
ouvrage La sociolinguistique entre science et idéologie. Une réponse aux
Linguistes atterré·e·s (Paris, Hermann, 2024). Je vais raconter la « discussion »
qui a suivi en omettant de donner les noms.
Moins de deux heures après l’annonce
faite par Lionel Meney, une linguiste subcarpathique qui se présente comme « membre
fondatrice du collectif des Linguistes atterré·e·s » alerte le réseau
sur cette menace : « nous avons récemment reçu deux annonces de
parution de la part de Lionel Meney pour ses essais qui défendent des idées
contraires à celles que nous défendons et nous enseignons en sociolinguistique ».
La Sorbonne Nouvelle est prête à lutter contre l’hérésie avec la même énergie
que la vieille Sorbonne, qu’on se le tienne pour dit. Il n’y a pas place à la
discussion : c’est la même attitude que celle de la papauté face aux thèses
de Luther.
Excursus
sur la doxa
« Idées contraires à celles que nous défendons et nous enseignons en sociolinguistique ». Les propos tenus par les Atterré·e·s ne font pas tous l’unanimité parmi la communauté des linguistes. C’est notamment le cas de leur position sur l’écriture inclusive. Trois ans avant la sortie de leur tract, 32 linguistes avaient publié dans Marianne une tribune contre l’écriture inclusive : cliquer ici et ici.
L’Atterrée ajoute : « Tout
comme nos collègues hors de France qui ne connaissent pas (souvent) Alain
Bentolila et les polémiques qu'il suscite depuis des années, de la même manière
les collègues hors du Canada ne connaissent pas Lionel Meney, ses provocations,
et les polémiques qu'il alimente depuis de nombreuses années. » Je ne vois
pas le bien-fondé de cette reductio ad Bentolilam. J’imagine que ce
genre d’argument pouvait s’entendre dans une république populaire.
Croyant affermir son
argumentation, la membre fondatrice suggère comme antidote la lecture d’un compte-rendu
d’un livre de Meney publié en 2010 comme si la critique de l’un pouvait
automatiquement s’appliquer à l’autre.
Trois quarts d’heure plus
tard, un collègue la remerciera « pour cette contextualisation fort utile
et bien nécessaire ».
Meney rétorque : « c’est
pour répondre à la prétention de ces linguistes de s’appuyer sur la science
afin de défendre en fait une idéologie que j’ai rédigé La sociolinguistique
entre science et idéologie. Une réponse aux Linguistes atterrées ». Il
regrette que la dame « se livre à une attaque ad hominem, peu digne
d’une discussion académique, plutôt que de dire en quoi mon argumentation lui
semble erronée ».
Le sociolinguiste qui est
intervenu en faveur de la membre fondatrice revient ensuite à la charge : « Sans
parler à la place de ma consœur, ce n'est pas forcément à elle d'indiquer en
quoi l'argumentation est erronée. Je me permets ici, par malice, de faire appel
à la fameuse loi dite de Brandolini, qui selon laquelle "la quantité
d'énergie nécessaire pour réfuter des sottises […] est supérieure d'un ordre de
grandeur à celle nécessaire pour les produire" ». Qui selon
laquelle [sic]. Donc la consœur peut « contextualiser »,
comme elle dit, sans avoir à lire l’ouvrage qu’elle contextualise. Comme elle l’avouera
un peu plus tard : « Je n'aurai pas le temps de lire son essai [= de
Meney], mes activités universitaires et mes centres d'intérêt ne me laissent
pas ce temps ».
Excursus
sur la loi de Brandolini
Le
confrère cite la définition suivante de cette loi : « la quantité
d'énergie nécessaire pour réfuter des sottises […] est supérieure d'un ordre de
grandeur à celle nécessaire pour les produire ». L’ouvrage de Meney est
bien la preuve qu’il faut des dizaines et des dizaines d’heures pour réfuter
des sottises. N’est-ce pas ?
Le confrère et la consœur discréditent
un ouvrage sans l’avoir lu. Meney fera remarquer qu’« en bonne méthode »
il faut d’abord lire un livre avant de le critiquer.
Un membre de l’Institut, appuyé
par un linguiste éminent, viendra mettre un terme à ces échanges :
Permettez-moi
de vous rappeler que les discussions [sur le fil du réseau] ne sont pas là pour
satisfaire le "bashing" que certaines souhaiteraient faire sur un.e
collègue, futur.e collègue, ou ancien.ne collègue.
Ce genre de discussion, sous couvert d'avis plus ou moins scientifiquement justifiés, ne sont simplement que le reflet d'un désaccord profond que tel.le ou tel.le chercheur.e pourrait envoyer envers un.e autre.
Cela
ne fait surtout pas avancer la communauté scientifique, dont je me suis
volontairement extrait, précisément à cause de ce genre de querelles un peu
puériles.
Dans son Carnet d’un
linguiste, Lionel Meney décrit cet incident comme du totalitarisme, du
sectarisme, du mépris, de l’injure et de la diffamation : cliquer ici.
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