lundi 5 novembre 2012

Le discours expert


J’ai dû entendre pour la première fois l’expression discours expert en 2007 ou en 2008. Elle m’avait sur le coup frappé comme curieuse.


Le discours expert est d’abord et avant tout une façon de s’autolégitimer.


Le discours expert est aussi une façon de se protéger de l’opinion publique. Le discours expert se fonde sur une logique technocratique au détriment d’une logique démocratique. Car le discours expert délégitimise les autres discours. Vous n’êtes pas ingénieur ? Qu’avez-vous à vous prononcer sur les contrats de travaux publics de la ville de Montréal ? Vous n’êtes-pas architecte ou comptable ? Qu’avez-vous à donner votre opinion sur la vente à perte de l’ancien couvent des sœurs des Saints-Noms-de-Jésus-et-de-Marie par l’université de Montréal ?


Vous n’êtes pas linguiste ? Votre opinion sur la langue est nulle et non avenue. C’est du moins ainsi que raisonne l’auteur de ce commentaire publié sur le site Internet du Devoir le 2 novembre 2012 :


BRAVO, M. LÉGER
Enfin, un Acadien qui ose dénoncer les propos que Christian Rioux a tenus dans sa chronique du 26 octobre dernier […] et qui réussit à se faire publier, ce qui est déjà tout un exploit. Bravo, M. Léger.

Comme bien d'autres intellectuels ignorants des rudiments de la linguistique (voir aussi l'éditorial d'Antoine Robitaille, dans Le Devoir du 30 octobre […]), le "journaliste" Rioux erre souvent quand il parle de langue. Sa réflexion repose la plupart du temps sur des idées reçues et sur des préjugés qu'il contribue malheureusement à entretenir et qui le confortent dans ses opinions. La réponse pour le mois [sic] cavalière qu'il adresse aujourd'hui à Rémi Léger n'en est qu'une autre illustration.


On notera dans le texte les guillemets qui accompagnent le mot journaliste, façon de soulever des doutes sur la compétence professionnelle de Christian Rioux. Et chacun pourra juger sur pièce si la réponse de Christian Rioux est vraiment « pour le mois [sic] cavalière » car la voici :


Si je « martyrise » les Acadiens en critiquant Radio Radio, je les adule donc en faisant l’éloge d’Antonine Maillet dans la même chronique. En réalité, je ne fais ni l’un ni l’autre. Les artistes sont libres de leurs choix esthétiques et nous sommes, heureusement, encore libres de critiquer leur œuvre sans que cette critique n’incrimine tout un peuple. L’auteure de la Sagouine a donné au français parlé en Acadie ses lettres de noblesse. Radio Radio a plutôt choisi de se vautrer, comme certains chanteurs québécois et français d’ailleurs, dans une langue médiocre sans issue à terme autre que l’anglais. Si ce créole est si extraordinaire, au fait, pourquoi ne l’utilisez-vous pas ? Quant à l’« acadianisation », le terme peut sembler choquant, il décrit simplement la bilinguisation en cours au Québec. Processus évidemment plus avancé chez les francophones hors Québec. Mais peut-être pas pour longtemps.


*   *   *


En 1997, un groupe de linguistes avait servi la même médecine à Georges Dor coupable, selon eux, d’avoir présenté ses « états d’âme » dans trois ouvrages sur le français parlé au Québec (Anna braillé ène shot, Ta mè tu là ?, Les qui et les que ou le français torturé à la télé).


Rappelons que les représentations linguistiques et les opinions épilinguistiques (sur la langue) constituent un champ d’études. On n’a pas à les rejeter du revers de la main, il faut plutôt les étudier.

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