mardi 18 juin 2013

De l’arbitraire du signe à l’arbitraire du terminologue




La notion d’arbitraire du signe est l’une des bases de la linguistique moderne. Ferdinand de Saussure a expliqué qu’il n’y a aucun rapport naturel entre le signifié (le concept) et le signifiant (l’image acoustique) mais uniquement une convention. Le rapport entre signifié et signifiant n’est pas motivé, il est arbitraire. Il résulte d’une convention sociale.


Dans le domaine des assurances, le mot déductible pourrait s’employer à la place de franchise puisque, en vertu du principe de l’arbitraire du signe, l’emploi d’un signe acoustique plutôt que d’un autre n’est que le résultat d’une convention. Le Comité intergouvernemental des produits laitiers aurait pu choisir mélange à crème glacée comme équivalent français de ice cream mix plutôt que préparation pour crème glacée. Les botanistes qui ont collaboré avec l’Office québécois de la langue française à l’élaboration du Lexique des légumes auraient bien pu préférer tête-de-violon à crosse de fougère. Mais tous ces spécialistes, en collaboration avec des terminologues de l’Office, ont préféré fournir à l’industrie et aux inspecteurs des différents ministères une terminologie uniformisée sur la base du français standard (français international, français universel, comme on voudra). On pourra le regretter et critiquer ces décisions en faisant valoir qu’elles résultent d’un choix idéologique (la norme internationale au lieu de la norme endogéniste). Mais ce choix n’est pas qu’idéologique : il est aussi motivé par des impératifs commerciaux (mondialisation des échanges).


Il y a trois décennies, des spécialistes de divers domaine et des terminologues ont donc établi en concertation des listes terminologiques et ce sont ces termes, acceptés par convention, qui ont été utilisés dans la mise en œuvre de différentes politiques (inspection des aliments, répression des fraudes, protection du consommateur, etc.).


Et voilà que trois décennies plus tard un ou deux terminologues, sans aucune concertation avec l’industrie ou avec les ministères concernés, viennent modifier ces décisions. L’arbitraire du signe a fait place à l’arbitraire du terminologue.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire