Écrire en anglais avec des mots français
Selon lui, la question n’en est pas une de
moyens — le PLC se plaçant second au chapitre des ressources financières à sa
disposition, même s’il s’est fait doubler par le NPD pour la première fois de
son histoire quant aux fonds amassés au cours du dernier trimestre —, mais
plutôt de stratégie.
–
Philippe Orfali, « Pas d’autobus pour les libéraux », Le Devoir,
6 août 2015
En français
standard, on écrirait tout simplement : il ne s’agit pas d’une question de moyens mais plutôt de stratégie ;
ou encore : la question n’est pas celle
des moyens mais plutôt celle de la stratégie.
Sur ce
calque syntaxique de l’anglais, dont l’auteur a trouvé quelques exemples en France,
voici un extrait de L’Actualité langagière (volume 6, numéro 1, 2009, page 13) :
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’Irène de
Buisseret n’aimait pas la tournure « en est un de », cet imposteur
dans la maison, comme elle l’appelle. Ne mâchant pas ses mots, elle l’accuse
d’être « un Américain mâtiné de Britannique qui a mis un masque à la
française pour cacher sa physionomie anglo-saxonne »…
J’ai longtemps cru qu’elle avait été la première à attacher le grelot à cet
anglicisme, mais trois ans auparavant un terminologue proposait une traduction
de « one of » qui
indique assez clairement qu’il avait lui aussi démasqué l’imposteur :
« L’atmosphère du yoga est de calme et de paix ».
Deux ans après Irène de Buisseret, un lexique de
l’Assemblée nationale du Québec parle de barbarisme. Cinq
ans plus tard, la grammairienne de l’Université de Montréal, Madeleine Sauvé, lui consacre un article assez exhaustif. Quant à notre
bible des anglicismes, ce n’est qu’avec la troisième édition (1994) que les
auteurs du Colpron s’aviseront de condamner ce tour. Lionel Meney le relève lui aussi, et en donne six exemples. Deux sites
le dénoncent comme calque, les « Clefs du français pratique » de
TERMIUM® et le « Français au micro » de Radio-Canada (dont
l’auteur est Guy Bertrand).
[…]
La tournure est tellement fréquente (au-delà de
100 000 occurrences sur Internet), qu’on ne s’étonne pas de la
rencontrer chez à peu près tous nos journalistes (Le Droit, Le Devoir,
La Presse ou L’Actualité). Mais on la voit aussi sous la plume de
gens soucieux de bien écrire, comme Guy Frégault, historien et membre
fondateur de l’Académie canadienne-française : « Le quartier en était
un d’ouvriers et de petits bourgeois »; ou
Pierre Vadeboncoeur : « Leur activité en était une de pur relais »; ou encore, Jean-Marc Léger : « La
question n’en est pas une de générosité ni de maturité ».
On la trouve même chez des spécialistes de la langue, comme Robert Dubuc (qu’on
ne saurait qualifier de laxiste) : « La situation dans ces médias en
est une de bilinguisme marqué », ou Philippe Barbaud :
« Une attitude éclairée qui doit en être une de réalisme et de respect ». Vous me direz que même nos linguistes ne sont pas
à l’abri des fautes… Il est vrai qu’ils baignent dans le même milieu
« anglifiant » que nous.
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