lundi 12 novembre 2018

Une errance terminologique de la Cour suprême du Canada


Le président-fondateur de l’Asulf (Association pour l’usage et le soutien de la langue française), le juge à la retraite Robert Auclair, a attiré mon attention sur un article du Devoir paru samedi dernier. Dans « Valeurs mobilières : la Cour suprême donne raison à Ottawa », le journaliste François Desjardins cite cet extrait de la décision de la Cour :

Nous tenons à souligner que notre avis consultatif ne porte que sur la constitutionnalité du régime coopératif, ont écrit les neuf juges dans une décision unanime. Il appartient aux provinces de décider s’il est dans leur intérêt d’y participer. Le présent avis consultatif ne prend pas en considération bon nombre des difficultés politiques et pratiques liées à ce régime coopératif, et particulièrement celles qui peuvent se présenter si une juridiction participante décide de se retirer à une date ultérieure.


Où va-t-on si le plus haut tribunal du pays n’est pas capable d’employer les mots avec le sens qu’ils ont en français standard ? Il aurait suffi à la Cour de consulter la banque de terminologie Termium du gouvernement fédéral pour apprendre que juridiction était un terme « à éviter » en ce sens. La Cour a préféré détourner la formule error communis facit ius en error communis facit normam, la faute commune crée la norme. Nul n’est censé ignorer la loi (nemo censetur ignorare legem) mais la Cour suprême peut ignorer la norme linguistique.


*   *   *

Voici ce qu’on trouve dans les Clefs du français pratique du Bureau de la traduction à Ottawa :

juridiction
Le nom juridiction est un calque de l’anglais jurisdiction à remplacer, selon le contexte, par :
compétence
autorité
ressort
Exemples
La gestion du site relève de la compétence de Parcs Canada. (et non : La gestion du site relève de la juridiction de Parcs Canada.)
La gestion du site est du ressort de Parcs Canada.
Il faut réserver l’emploi de juridiction au domaine de la justice, où il désigne non pas la compétence d’un tribunal, mais le tribunal lui-même, l’ensemble des tribunaux de même niveau et le pouvoir de juridiction que l’on confère à certaines personnes, aux tribunaux et à certains organismes de l’État.



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