lundi 4 décembre 2017

Lettre ouverte aux membres du conseil d’administration de l’Office québécois de la langue française



Politique sur les anglicismes
L’OQLF se ridiculise

(Texte publié dans Le Soleil du 4 décembre 2017)


Comme vous le savez, le document Politique de l’emprunt linguistique, qui traite principalement de l’acceptation ou non des anglicismes, passe très mal dans une bonne partie de l’opinion publique. Mais le débat qui s’est engagé a été habilement détourné vers des questions insignifiantes, du type faut-il écrire baby-boom ou bébé-boum ?

On peut penser ce que l’on veut des emprunts et en particulier des anglicismes. Il est même légitime d’affirmer qu’ils enrichissent les langues emprunteuses. Mon propos n’est pas de discuter de la légitimité des anglicismes en français. Je veux plutôt attirer votre attention sur les maladresses, voire les erreurs, d’un document produit à même les fonds publics en vous posant quatre questions très simples :

• Comment peut-on affirmer que le mot selfie (p. 14), utilisé quotidiennement par des millions de francophones, ne s’intègre pas au système linguistique du français ? Vous prenez selfie, vous changez deux lettres et vous avez Sylvie : selfie n’est pas plus difficile à écrire et à prononcer que Sylvie.

• Comment peut-on affirmer que l’expression hockey sur étang (pond hockey) est « non intégrable au système linguistique du français » (p. 17) alors que hockey sur glace naturelle le serait ? Parce que c’est un calque ? Mais le calque est justement un procédé d’intégration linguistique.

• Lorsqu’il traite de l’acceptation des emprunts à d’autres langues que l’anglais, le document de l’Office dit que ces emprunts peuvent être acceptés même s’ils ne sont pas intégrables au système linguistique du français (p. 20). Comment peut-on parler français en utilisant un mot étranger imprononçable ? Le document ne prévoit même pas que le mot étranger soit écrit en alphabet latin…

• L’énoncé de politique accepte les anglicismes qui ont plus de quinze ans (et donne des exemples anodins comme humidex ou mimivirus qui ne feront sourciller personne mais évite de citer des exemples récemment acceptés et qui feront polémique comme grilled cheese ou encore déductible au lieu de franchise dans le domaine des assurances.) Pourquoi alors le Grand Dictionnaire terminologique continue-t-il de refuser le droit de cité au Québec à des mots comme match et parking entrés en français depuis des décennies (1819 pour l’un, 1926 pour l’autre) ? Le critère d’ancienneté serait-il soumis à l’arbitraire des terminologues de l’Office ? Et pourquoi quinze ans plutôt que dix ou vingt-cinq ?

Vous aurez compris que ces questions sont toutes rhétoriques et que je n’attends pas de réponse de votre part. En revanche, je m’attends à ce que vous envisagiez l’abrogation de votre politique de l’emprunt linguistique. Car le document Politique de l’emprunt linguistique contient des lacunes importantes et notamment des absurdités sur l’intégration au système linguistique du français qui non seulement font perdre de la crédibilité à l’OQLF mais qui en plus le ridiculisent.


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