En furetant sur le site du quotidien de
Québec Le Soleil, j’ai trouvé un
texte de Larry Hodgson, « La fougère-légume » :
À
travers le monde, il existe plus de 9000 espèces de fougère, mais seulement une
espèce est couramment considérée comestible : la fougère à l’autruche
(Matteuccia struthiopteris), une fougère bien de chez nous. Chaque printemps,
des milliers de cueilleurs prennent les sous-bois d’assaut à la recherche de
« têtes de violon » (crosses de fougère) pour la vente en épicerie.
Le
chroniqueur utilise le calque tête-de-violon
dans la première phrase mais dans le reste de son texte il n’utilise que le
terme crosse de fougère.
Crosse de fougère est le terme que l’Office
québécois de la langue française a proposé pendant des décennies. C’était encore sa position dans le Lexique
des légumes publié en 1992 et ce sera sa position jusqu’en 2008. Rappelons
que ce lexique avait été élaboré par un comité
comprenant un représentant du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation du Québec et un autre du ministère de l’Agriculture du Canada.
Lexique des légumes (1992)
crosse de fougère
Terme à éviter : tête de violon
fiddlehead
Matteuccia struthiopteris;
Pteretis pensylvanica
Notes. 1. Le terme tête de violon est un calque du terme anglais fiddlehead. En français, la partie du violon à laquelle ressemble ce légume s'appelle crosse, mot également utilisé en botanique.
2. Les crosses de fougère sont les jeunes frondes de certaines de ces plantes qui se consomment comme légumes verts à l'époque de la préfoliation.
C’est crosse de fougère qui commençait à
s’imposer dans la langue commerciale lorsque l’Office a changé de cap en 2008 :
du jour au lendemain tête-de-violon n’est
plus considéré comme un « terme à éviter » et devient synonyme de
plein droit de crosse de fougère. Cette
décision ayant suscité quelques réactions, on apporte en 2011 un changement cosmétique : tête-de-violon n’est plus synonyme mais
« quasi-synonyme » et on lui accole la marque « langue
courante ». Dans la fiche qu’on peut lire maintenant dans le Grand
Dictionnaire terminologique (GDT), on constate un nouveau petit pas en arrière :
tête-de-violon n’est plus un quasi-synonyme mais un « terme utilisé
dans certains contextes ». La fiche est toujours datée de 2011 même
si on y a apporté cette modification.
Et l’Office a gardé sur sa fiche la remarque : « Dans l'étiquetage de produits
commerciaux, l'usage n'est pas encore fixé entre crosse de fougère et tête-de-violon ».
Évidemment que l’usage n’est pas fixé puisque l’Office s’est ravisé pour créer
de la confusion et qu’il n’ose pas reconnaître son erreur de 2008.
Pour les gourmands, ce sera bientôt la saison des crosses
de fougère. Mais on verra encore sûrement cette année beaucoup d’étiquettes
portant l’inscription tête-de-violon
puisque l’Office refuse de revenir à la mission fondamentale du GDT qui est d’indiquer
le modèle à suivre, pas de faire de la description lexicographique : « en
terminologie, il n’y a que le terme juste » (Diane Lamonde, Français québécois. La politisation du débat,
Montréal, Del Busso, 2019, p. 159).
Parmi plusieurs billets sur le même thème, je vous suggère :
« Tête de crincrin » (lettre de l’OQLF et mes commentaires)
« Tête de violon »
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