Bien avant la loi 22, il y a
eu le règlement 683 de 1967 du ministère de l'Agriculture du Québec qui imposait le
bilinguisme dans l'étiquetage des produits alimentaires et dont l'application
relevait du directeur de la répression des fraudes et de la loyauté des ventes
au ministère de l'Agriculture*. Le ministère travaillait alors étroitement avec
l'Office. Le directeur de la répression des fraudes était Me Émile
Ducharme et son adjoint, chargé spécialement de la correction des étiquettes
des produits alimentaires, M. Joseph Lapointe. M. Lapointe
travaillait en étroite collaboration avec Mme Thérèse Villa,
responsable de la terminologie de l’alimentation à l’Office de la langue
française ; le ministère de l’Agriculture lui avait même donné une carte d’inspectrice.
À l’époque, le ministère obligeait
les entreprises à utiliser la terminologie de l'Office parce qu'il estimait
qu'une terminologie incorrecte était susceptible de constituer un cas de
fraude. Et l’Office véhiculait un message clair en matière de terminologie
française.
Rappelons qu’avant la loi 22
(1974), les individus pouvaient, en vertu de la loi sur les poursuites sommaires,
poursuivre les entreprises qui ne respectaient pas le règlement sur l’étiquetage.
Et, en cas de condamnation des entreprises (1 000 $ pour une première
condamnation, 5 000 $ pour une récidive dans les deux ans !!! et
il s’agit de dollars de la fin des années 1960…**), les plaignants empochaient
la moitié des amendes perçues… Tout cela a été changé en 1974.
Quand on connaît l’histoire de la francisation de l’étiquetage
des produits alimentaires, il est pour le moins curieux – et carrément désolant
– de lire sur la fiche crosse de fougère
(quasi-synonyme : tête-de-violon
[langue courante]) la note suivante : « Dans l'étiquetage des
produits commerciaux, l'usage n'est pas encore fixé entre crosse de fougère et tête-de-violon. »
Si l’Office avait continué d’envoyer un message clair et avait fait appliquer
la loi avec plus d’efficacité, l’usage aurait continué d’être fixé.
Pour des raisons constitutionnelles que Gaston Cholette explique
dans son livre (L’Office de la langue
française de 1961 à 1974), l’Office travaillait, dans les années 1960 et
1970, en concertation non seulement avec le ministère de l’Agriculture du
Québec mais avec l’Administration fédérale. La banque de données Termium du
Bureau de la traduction à Ottawa continue d’ailleurs d’indiquer que tête-de-violon est un terme « à
éviter ». Du côté fédéral, le message est demeuré clair.
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* Pour la
petite histoire, l’article sur l’obligation que le français soit au moins aussi
présent que toute autre langue dans l’étiquetage des produits alimentaires est
dû à un fonctionnaire du ministère de l’Agriculture qui en avait trouvé l’équivalent
dans la loi française du 1er août 1905 qui précise que les mentions
figurant sur les étiquettes doivent être « rédigées
en langue française (…) inscrites en caractères apparents et regroupées sur une
partie de l’emballage de manière à être facilement visibles et lisibles dans
les conditions habituelles de présentation ».
** Pour donner une idée de la
valeur du dollar à l’époque, rappelons que, lors du front commun syndical de
1972, la principale exigence des grévistes était un salaire hebdomadaire de
100 $.
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