J’ai constaté, et l’ai déjà fait remarquer
dans des billets, le nombre croissant de synonymes qui sont apparus ces
dernières années dans les fiches du Grand Dictionnaire terminologique de
l’Office québécois de la langue française. À titre d’exemple :
Fiche de 2011 |
La recrudescence des synonymes a une
explication simple : la production terminologique n’est plus évaluée selon
le nombre de fiches produites mais selon le nombre de termes traités… Le
changement est apparu dans le rapport annuel 2009-2010.
La production du GDT selon les rapports annuels |
Le graphique précédent montre l’évolution de la
production terminologique à l’OQLF depuis l’année financière 2003-2004. On note
une hausse des objectifs à atteindre, de 4 000 fiches la première année à
5 000 fiches les années subséquentes. On constate aussi que, dès que l’objectif
est haussé, la production se met à dépasser l’objectif fixé, atteignant même en
2008-2009 les 377 % !
Lors de l’année financière 2009-2010, on
constate deux nouveautés. D’abord un changement dans le critère d’évaluation. Celle-ci
ne se fait plus selon le nombre de fiches produites mais selon le nombre de
termes traités. En principe, le changement était de nature à induire une hausse
dans la production des termes, les terminologues pouvant ajouter de nombreux
synonymes et ils ne se sont pas privés de le faire en ajoutant nombre de mots
de la « [langue courante] ». Second
changement, l’objectif a été abaissé, de 5 000 fiches à 3 500 termes.
En 2009-2010, la manœuvre a permis de faire valoir un dépassement de l’objectif,
3 765 nouveaux termes plutôt que 3 500. Le rapport explique : « sur
les 3 765 nouveaux termes répertoriés et ajoutés au GDT, 3 401 figurent
sur des fiches rédigées ou mises à jour par les terminologues de l’Office, le
reste se trouvant sur des fiches produites par des partenaires » (p. 71).
« Fiches produites par des partenaires » :
là réside peut-être l’explication de la forte productivité de l’année
précédente (377 % !), dans l'apport de la production externe plutôt que dans une hausse de la production interne. En tout état de cause, je me permets de
formuler l’hypothèse.
En 2010-2011, le nombre de termes traités a été inférieur à l’objectif
fixé – « légèrement en
deçà de l’objectif fixé » nous dit le rapport annuel (p. 72) :
à 81 % de l’objectif, peut-on dire que la production a été « légèrement
en deçà » ? Les stakhanovistes de la langue peinent dorénavant à
atteindre les objectifs, même revus à la baisse, du plan. Pas facile d’être un Stakhanov
au pays de Maria Chapdelaine !
Un mot maintenant sur l’évaluation selon le
nombre de termes traités plutôt que selon le nombre de fiches produites. Ce
faisant, on perd de vue l’un des objectifs de la terminologie : réduire la
synonymie dans les domaines techniques (objectif qui devrait être celui du GDT
dans la mesure où il est encore un dictionnaire terminologique…). La réduction
de la synonymie n’est évidemment pas un dogme en soi. Et je sais qu’on peut faire
valoir des arguments pour maintenir un certain niveau de synonymie dans les
travaux terminologiques. Mais dans bien des domaines techniques (commerce
international, terminologie médicale, etc.), ce que l’on appelle la biunivocité
(un terme pour un concept) s’impose souvent comme une nécessité : la
prolifération de la synonymie n’est guère souhaitable dans la rédaction des
dossiers médicaux, pour ne prendre que ce seul exemple. Et cela ne serait pas
un problème si le GDT n’était pas en train de se transformer en dictionnaire de
la langue courante, avec toutes ses imprécisions, ses ambigüités et ses calques
(même si on prend bien soin d’éliminer le plus possible les anglicismes
lexicaux, les Québécois étant très chatouilleux sur la question).
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