mercredi 29 avril 2020

La néologie en temps de pandémie



« … j’ai compris que tout le malheur des hommes venait de ce qu’ils ne tenaient pas un langage clair. »
– Albert Camus, La Peste


Dans plusieurs billets de ce blog, j’ai critiqué le peu d’importance que l’Office québécois de la langue française (OQLF) accorde à la néologie. Pour une fois, son Grand Dictionnaire terminologique (GDT) semble ne pas être pris de court puisqu’on a mis en ligne, le 20 avril, une liste de fiches relatives à la pandémie actuelle. Voyons cela de plus près.


Et commençons par la fiche « COVID-19 » où on lit : « COVID-19 est de genre féminin, car dans la forme longue du terme français, maladie à coronavirus 2019, le mot de base est maladie ». En vertu de cette règle, on devrait donc dire « la coronavirus » (expression que j’ai d’ailleurs entendue deux fois sur une chaîne d’infos). Manque de logique dans l’argumentation. Et ce que la fiche du GDT ne dit pas, c’est que l’utilisation du mot COVID au féminin est une recommandation de l’Organisation mondiale de la santé reprise, bien avant l’OQLF, par Radio-Canada dès le 10 mars.



À la fiche « masque chirurgical », il n’est fait aucune mention du terme « masque de procédure » qu’on a pu entendre à presque toutes les conférences de presse du premier ministre du Québec et du docteur Arruda. Les habitués de mon blog ne seront pas surpris d’apprendre que la fiche offre la note suivante : « en contexte, la forme courte masque est souvent employée pour désigner le présent concept. » « En contexte ! » Comme si on ne parlait pas toujours en contexte. Et voici qu’un objet devient un concept. Mais cela ne surprendra pas le lecteur habitué de ce blog : il sait déjà que, selon le GDT, les casseroles vont au four et que les paniers ont des roues.


La fiche « pandémie » est intéressante dans la mesure où elle illustre le recyclage auquel a eu recours le GDT pour donner l’impression d’être à jour : les parties française et anglaise sont datées de 2020 mais les autres parties, en catalan, espagnol, etc., sont datées de 2008 ou de 2009. On trouve le même procédé dans la fiche « quarantaine ».


J’ai noté une absence étonnante : il n’y a pas de fiche « cluster », mot anglais qu’on a pu entendre à plusieurs reprises lors des premières conférences de presse du premier ministre et du docteur Arruda. Plus précisément, il y a deux fiches « cluster » mais aucune ne concerne le domaine de l’épidémiologie et ne donne l’équivalent « foyer ».



Je compte continuer mon analyse des « diverses informations linguistiques portant sur des questions liées à la COVID-19 » que nous offre l’OQLF.


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