mardi 8 novembre 2022

L’absence de patois dans Usito

 

Sur la liste de diffusion d’un réseau de sociolinguistique, il vient d’y avoir une discussion sur l’usage du mot dialecte qui, en linguistique, n’est pas (négativement) connoté, au contraire du mot patois. Mais, a-t-on fait valoir, ce dernier terme n’est pas toujours péjoratif, la preuve, c’est qu’il y a des associations qui ont pour objectif de revitaliser les patois. Peu importe. Mais cet échange m’a donné l’idée d’aller vérifier si le sens québécois de patois, « juron propre à une personne », avait été enregistré dans le dictionnaire qui revendique de décrire le français en usage au Québec et qui se targue d’avoir établi sa nomenclature à partir de corpus linguistiques québécois. Résultat : Usito n’a pas enregistré le sens québécois de patois. Ce qui, évidemment, n’est pas pour m’étonner puisque j’ai déjà signalé plusieurs lacunes de ce genre.

 

Le sens québécois de patois est bien attesté dans l’un des principaux corpus de textes québécois, le fichier lexical du Trésor de la langue française au Québec (TLFQ). Il est donc étonnant qu’il ait échappé à l’attention des rédacteurs d’Usito.

 

Dans les Croquis (1920) du frère Marie-Victorin, on trouve* le dialogue suivant :

Capitaine, demandait devant moi un touriste anglais, au patron d'une goélette amarrée au quai du Cap-aux-Meules, dites-moi donc pourquoi les gens des Îles [de la Madeleine] ne sacrent qu'en Anglais ?

Les gens d'ici, répondit le marin en calant sa casquette, ne savent pas sacrer en français. Ce sont les Anglais qui leur ont appris ces patois-là. Ils n'en savent pas d'autres !

 

Dans la base de données du TLFQ, on trouve aussi ces deux citations du livre autobiographique de l’acteur André Montmorency, De la ruelle au boulevard (1992) :

Qu'est-ce que tu nous racontes là! Y a un personnage dans une pièce canadienne qui dit «Câlisse» !!! C'est Dominique Michel qui vient de s'étonner. J'vous jure! Pis c'est pas tout. Le patois du personnage principal, tenez-vous bien, c'est : « Maudit verrat de bâtard ! ». 

Souffrance éternelle, veux-tu ben me dire qu'est-ce qu'Alice fait là, rendue à tévé !!! Eh oui, le patois de Christian, j'en ai hérité d'elle. J'avais oublié qu'elle y ajoutait un éternelle à la fin.

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*À Sherbrooke, on écrirait plutôt qu’on retrouve le dialogue. C’est une particularité de la ville : on y perd tellement de choses qu’on ne finit plus de les retrouver.

 

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