L’orientation
de l’usage représente la raison d’être de l’Office [québécois de la langue
française]. La production et la diffusion du GDT [Grand Dictionnaire
terminologique] constituent une intervention par un organisme de l’État sur la
composante lexicale de la langue.
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Guide méthodologique du Grand Dictionnaire terminologique
Au cours de mes recherches récentes, je
suis tombé sur cette note de la fiche chaussée
désignée (fiche de 2013) du Grand Dictionnaire terminologique de l'Office québécois de la langue française :
« Le terme chaussée désignée est un calque de l'anglais dont l'usage est
généralisé et légitimé en français du Québec depuis de nombreuses
années. »
Deux remarques sur cette phrase.
La première porte sur le calque. N’en
faisons pas tout un plat. Le calque est un vieux procédé d’enrichissement
lexical présent (sans doute) dans toutes les langues. Quand on refuse un calque
au nom de la qualité de la langue, on oublie que le mot qualité lui-même est issu d’un calque créé par Cicéron (voir mon
billet « Réflexions sur l’emprunt et en particulier sur le calque »).
Plus intéressante est la notion que le
calque en question (chaussée désignée)
est « légitimé ». Ce point mérite d’être développé davantage que le
premier.
La fiche du GDT se contente d’affirmer que
le calque est légitimé sans que ce participe passé soit suivi d'un complément d'agent (un lapsus digiti
m’a d’abord fait écrire claque, dont
le sens argotique a au moins le mérite de montrer ce qu’est devenu le GDT depuis
plus de dix ans). Or, en lexicographie (car on fait de moins en moins de
terminologie et de plus en plus de lexicographie à l’Office), quand on utilise
le participe passé légitimé, on le
fait habituellement suivre des mots « par
l’usage », ce qu’omet pudiquement (ou prudemment) de faire le
rédacteur de la fiche. Légitimé par l’usage :
on est ainsi rendu au bout de la logique lexicographique, tout à faire
contraire au mandat même de l’Office (« L’orientation de l’usage
représente la raison d’être de l’Office »). Le GDT n’a plus qu’à
enregistrer les milliers de calques légitimés par l’usage parce qu’ils sont
employés depuis longtemps dans des textes de lois, dans des directives administratives, dans les
interventions des personnes légitimement
élues à l’Assemble nationale, dans des circonstances « formelles » (formal) comme la lecture des informations à la radio et à la
télévision, dans la presse, etc. Rien que dans le domaine du droit, ils sont
quelques centaines à en juger par la liste dressée par Wallace Schwab. Mais
est-ce le rôle du GDT ? À partir du moment où le GDT ne remplit plus son
mandat d’orienter l’usage, il n’a plus sa raison d’être, c’est écrit noir sur
blanc dans son guide méthodologique : « L’orientation de l’usage
représente la raison d’être de l’Office ». Dans les autres pays, y compris
les pays francophones, on laisse le soin d’enregistrer les usages aux
dictionnaires produits par des éditeurs privés.
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