lundi 18 juillet 2022

Notes sur l’intégration des anglicismes en espagnol et en français

 

Je lisais récemment Rey Blanco (Ediciones B, 2021) de Juan Gómez-Jurado. Un passage a retenu mon attention, p. 344 : « ahora somos personas de interés ». J’ai déjà traité dans ce blog (cliquer ici et ici) du calque « personne d’intérêt » entendu régulièrement dans les séries policières produites au Québec. On voit qu’on le trouve aussi en espagnol. Le Webster en ligne le définit ainsi : « a person who is believed to be possibly involved in a crime but has not been charged or arrested ». La première attestation daterait de 1937. L’Oxford Advanced Learner’s Dictionary en ligne ajoute un synonyme : « suspect ». Pour le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF), le terme personne d’intérêt est « utilisé dans certains contextes ». Dans une note… d’intérêt, le GDT émet des réserves :

Le Canada a adopté le calque personne d'intérêt, notamment dans les documents de la Gendarmerie royale du Canada, au Sénat et dans les services de police, au point où il tend à se généraliser à l'échelle gouvernementale. Bien que le terme personne d'intérêt paraisse implanté (la GRC a appelé sa base de données qui recense les noms de personnes qui pourraient être inadmissibles à un permis d'armes à feu : PIAF, pour Personnes d'intérêt, Armes à feu), il n'a pas été retenu, étant très peu évocateur, ambigu et, employé hors contexte, vide de signification. Il demeure rare en France, où il n'est généralement utilisé qu'en rapport avec les États-Unis.

 

Dans le même ouvrage de Gómez-Jurado, on lit : « … y haciéndose selfis » (p. 366). Selfi se trouve dans la 23e édition du dictionnaire de l’Académie espagnole et il est défini en un mot : « autofoto ». On notera que la Real Academia de la lengua española a intégré orthographiquement le mot anglais selfie. Rappelons que pour l’OQLF, le mot « ne s’intègre pas au système linguistique du français »…

 

Dernier exemple d’anglicisme intégré en espagnol. Je le trouve dans le roman El pintor de Almas (Grijalbo, 2019) d’Ildefonso Falcones : « ser reconocida como una líder » (p. 465). Le mot líder a été adapté orthographiquement et il figure dans le dictionnaire de l’Académie espagnole. En Espagne, il n’a pas de féminin mais dans de nombreux pays d’Amérique latine on dit lideresa. C’est l’occasion de rappeler que le GDT a reculé sur l’adaptation orthographique des mots anglais. C’est ainsi qu’il ne promeut plus coquetel :

La graphie francisée coquetel est apparue en France au début du XXe siècle. Son usage avait été proposé par l'Office québécois de la langue française dans les années 1980, mais cette forme ne s'est guère implantée. Elle connaît maintenant un usage limité.

 

Je terminerai en soulignant une erreur : la graphie coquetel n’a pas été proposée par l’Office dans les années 1980 mais dès la fin des années 1960.

 

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