Je
lisais récemment Rey Blanco (Ediciones B, 2021) de Juan Gómez-Jurado. Un
passage a retenu mon attention, p. 344 : « ahora somos
personas de interés ». J’ai déjà traité dans ce blog (cliquer ici et
ici) du calque « personne d’intérêt » entendu régulièrement dans les
séries policières produites au Québec. On voit qu’on le trouve aussi en
espagnol. Le Webster en ligne le définit ainsi : « a person who is
believed to be possibly involved in a crime but has not been charged or
arrested ». La première attestation daterait de 1937. L’Oxford Advanced
Learner’s Dictionary en ligne ajoute un synonyme : « suspect ». Pour
le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue
française (OQLF), le terme personne d’intérêt est « utilisé dans
certains contextes ». Dans une note… d’intérêt, le GDT émet des réserves :
Le
Canada a adopté le calque personne d'intérêt, notamment dans les
documents de la Gendarmerie royale du Canada, au Sénat et dans les services de
police, au point où il tend à se généraliser à l'échelle gouvernementale. Bien
que le terme personne d'intérêt paraisse implanté (la GRC a appelé sa
base de données qui recense les noms de personnes qui pourraient être
inadmissibles à un permis d'armes à feu : PIAF, pour Personnes
d'intérêt, Armes à feu), il n'a pas été retenu, étant très peu évocateur,
ambigu et, employé hors contexte, vide de signification. Il demeure rare en
France, où il n'est généralement utilisé qu'en rapport avec les États-Unis.
Dans
le même ouvrage de Gómez-Jurado, on lit : « … y haciéndose selfis »
(p. 366). Selfi se trouve dans la 23e édition du
dictionnaire de l’Académie espagnole et il est défini en un mot : « autofoto ».
On notera que la Real Academia de la lengua española a intégré orthographiquement
le mot anglais selfie. Rappelons que pour l’OQLF, le mot « ne s’intègre
pas au système linguistique du français »…
Dernier
exemple d’anglicisme intégré en espagnol. Je le trouve dans le roman El
pintor de Almas (Grijalbo, 2019) d’Ildefonso Falcones : « ser
reconocida como una líder » (p. 465). Le mot líder a été
adapté orthographiquement et il figure dans le dictionnaire de l’Académie
espagnole. En Espagne, il n’a pas de féminin mais dans de nombreux pays d’Amérique
latine on dit lideresa. C’est l’occasion de rappeler que le GDT a reculé
sur l’adaptation orthographique des mots anglais. C’est ainsi qu’il ne promeut
plus coquetel :
La
graphie francisée coquetel est apparue en France au début du XXe siècle.
Son usage avait été proposé par l'Office québécois de la langue française dans
les années 1980, mais cette forme ne s'est guère implantée. Elle connaît
maintenant un usage limité.
Je
terminerai en soulignant une erreur : la graphie coquetel n’a pas été
proposée par l’Office dans les années 1980 mais dès la fin des années 1960.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire