mardi 25 février 2014

Burqa, burka, burqua ou bourqua ? Un commentaire


J’ai reçu un commentaire intéressant concernant mon texte sur la burqa. Comme ce commentaire a été mis en ligne trois jours après la publication de mon billet et qu’il risque de passer inaperçu, je me permets de le reproduire ici.


Intéressant la translittération, mais les objectifs de la recherche terminologique ne sont pas les mêmes.

La translittération a pour but de permettre la « lecture » (le décodage) des mots étrangers en leur donnant une forme écrite approximative dans la langue d’arrivée. Elle est parfois arbitraire (la lettre v = f en russe; le v = u en latin ; etc.). La graphie rendue ne peut qu’accidentellement donner une équivalence lexicale correspondant à l’orthographe et à la morphologie de la langue réceptrice. Ex : burqa = translittération.


Ayant pour but l’enrichissement lexical, la recherche terminologique (la raison d’être du GDT) relève d’une méthode linguistique établie qui, appliquée, va plus loin que la simple translittération en cherchant à fournir un équivalent au terme étranger qui soit le plus parfaitement intégré au nouveau système linguistique (la langue réceptrice). À partir d’une recherche sur la forme et le sens, la terminologie permet d’en arriver à la proposition d’un terme équivalent au mot étranger, soit à partir d’un terme déjà existant, soit par l’adaptation de la forme étrangère ou par la création d’un nouveau terme. Ex. : bourqua ou burqua = intégration et adaptation.

Le plus désolant dans cette histoire, c’est qu’une personne ou une autorité a modifié une fiche diffusée dans le GDT depuis deux ans (+ ou -) et dont les graphies privilégiées étaient les formes les plus adaptées au système du français (burqua ou bourqua, selon la prononciation) pour privilégier une graphie faiblement adaptée (burka*1) et surtout pour diffuser une graphie qui n'est pas conforme à l'orthographe française (burqa*2). Cette modification est contraire au principe d’orientation de l’usage de l’OQLF et se trouve en contradiction nette avec la Politique de l'emprunt linguistique de l'Office dont un des grands principes directeurs est l'adaptation des emprunts au système du français, notamment à l'orthographe (http://www.granddictionnaire.com/Politiques_guides.aspx).

Ce qui étonne également, c’est la note de la nouvelle fiche : « Ces deux graphies (burka et burqa) sont bien implantées dans l'usage standard ».

Or, toute personne qui a un minimum de connaissances en linguistique sait qu’il n’existe pas encore de norme d’usage pour les nouvelles graphies qui correspondent à un terme étranger récemment attesté dans une langue. La prolifération des formes en témoigne, comme dans le cas de burqua. On trouve : burqua, bourqua, burqa, bourqa, burka, bourka. Cette trop grande prolifération crée une confusion et rend difficile l’enseignement, l’apprentissage et la maîtrise du français, d’où l’obligation d’orienter l’usage en privilégiant des formes qui peuvent s’intégrer à la langue française, une nécessité absolue dans un contexte de francisation et d’aménagement linguistique. En diffusant dans le GDT une fiche qui invalide les résultats d’une recherche soumise à cet impératif, l’OQLF n’a assurément pas compris toute l’importance de son rôle d’orientation de l’usage.

Christiane Loubier
Linguiste

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