jeudi 20 février 2014

Une calandre comme cache-nez




Aujourd’hui, je traiterai d’un cas de translittération dans le le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF), celui du mot burka (graphie préférée par le GDT).


Le mot arabe برقع, qui se prononce [bʊrqɑʕ], contient la consonne uvulaire [q] qui, dans la phonologie de l’arabe, est distincte de la consonne vélaire [k]. Cette distinction est fondamentale en arabe. On prononce [bʊrqɑʕ] et non [bʊrkɑʕ]. C’est pourquoi il vaudrait mieux que le GDT privilégie la graphie burqa, au moins lui donne la première place sur sa fiche. Comme le font d’autres ouvrages de référence. Ainsi, le Larousse en ligne donne d’abord la graphie burqa, ensuite burka.


On pourra toujours objecter que la graphie ‑qa, sans u, ne respecte pas les normes orthographiques du français selon lesquelles la consonne q est suivie de la voyelle u. Mais, précisément dans la translittération des mots empruntés à l’arabe, on a l’habitude d’utiliser le q sans le faire suivre d’un u : ainsi, on écrit le golfe d’Aqaba.


Sur la fiche du GDT, on trouve la formulation pour le moins curieuse : « Burka et burqa sont des emprunts adaptés à l'arabe ». On s’attendrait plutôt à ce que le GDT adapte les emprunts au français. N’y aurait-il pas ici une confusion paronymique particulièrement honteuse entre adopter  et adapter ?
 
Extrait de la fiche burka du GDT

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Ajoutons en terminant que l’anglais connaît lui aussi les prononciations [k] et [q], [k] dans kill et [q] dans call, mais dans cette langue la différence de prononciation n’entraîne pas de différence de sens (en termes techniques, il n’y a pas d’opposition phonologique entre [k] et [q]).

3 commentaires:

  1. Intéressant la translittération, mais les objectifs de la recherche terminologique ne sont pas les mêmes.
    La translittération a pour but de permettre la « lecture » (le décodage) des mots étrangers en leur donnant une forme écrite approximative dans la langue d’arrivée. Elle est parfois arbitraire (la lettre v = f en russe; le v = u en latin; etc.). La graphie rendue ne peut qu’accidentellement donner une équivalence lexicale correspondant à l’orthographe et à la morphologie de la langue réceptrice. Ex. burqa = translittération.
    Ayant pour but l’enrichissement lexical, la recherche terminologique (la raison d’être du GDT) relève d’une méthode linguistique établie qui, appliquée, va plus loin que la simple translittération en cherchant à fournir un équivalent au terme étranger qui soit le plus parfaitement intégré au nouveau système linguistique (la langue réceptrice). À partir d’une recherche sur la forme et le sens, la terminologie permet d’en arriver à la proposition d’un terme équivalent au mot étranger soit à partir d’un terme déjà existant, soit par l’adaptation de la forme étrangère ou par la création d’une nouveau terme. Ex. bourqua ou burqua = intégration et adaptation.

    Christiane Loubier
    Linguiste

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  2. La suite :
    Le plus désolant dans cette histoire, c’est qu’une personne ou une autorité a modifié une fiche diffusée dans le GDT depuis deux ans (+-) et dont les graphies privilégiées étaient les formes les plus adaptées au système du français (burqua ou bourqua, selon la prononciation) pour privilégier une graphie faiblement adaptée (burka*1) et surtout pour diffuser une graphie qui n'est pas conforme à l'orthographe française (burqa*2). Cette modification est contraire au principe d’orientation de l’usage de l’OQLF et se trouve en contradiction nette avec la Politique de l'emprunt linguistique de l'Office dont un des grands principes directeurs est l'adaptation des emprunts au système du français, notamment à l'orthographe http://www.granddictionnaire.com/Politiques_guides.aspx
    Ce qui étonne également, c’est la note de la nouvelle fiche : « Ces deux graphies (burka et burqa) sont bien implantées dans l'usage standard ».
    Or, toute personne qui a un minimun de connaissances en linguistique, sait qu’il n’existe pas encore de norme d’usage pour les nouvelles graphies qui correspondent à un terme étranger récemment attesté dans une langue. La prolifération des formes en témoigne, comme dans le cas de burqua. On trouve : burqua, bourqua, burqa, bourqa, burka, bourka. Cette trop grande prolifération crée une confusion et rend difficile l’enseignement, l’apprentissage et la maîtrise du français, d’où l’obligation d’orienter l’usage en privilégiant des formes qui peuvent s’intégrer à la langue française, une nécessité absolue dans une contexte de francisation et d’aménagement linguistique. En diffusant dans le GDT une fiche qui invalide les résultats d’une recherche soumise à cet impératif, l’OQLF n’a assurément pas compris toute l’importance de son rôle d’orientation de l’usage.

    Christiane Loubier
    Linguiste

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  3. Burqa est une forme « exceptionnelle », justement inacceptable pour cette raison

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    J’aime bien comment, en quelques mots, le Petit Robert affirme sans détour aux entrées « Q » et « K » (la lettre) que le « q » est toujours suivi du « u » et que la lettre « k » sert à rendre lisibles des mots grecs, slaves, germaniques ou orientaux. Translittérer est utile pour « illustrer » grosso modo la graphie ou la prononciation d’un mot étranger. Si on souhaite cependant apporter un nouveau terme au lexique français et enrichir la langue sans justement y apporter de nouvelles exceptions orthographiques* du type « burqa » mieux vaut se mettre à la terminologie en pensant dérivation et flexions normales du français.
    *Les Rectifications de 1990 déconseillent cette voie des exceptions orthographiques avec les créations lexicales. Ainsi que donnerait donc burqa : burqalisme, burqalité, burqaliser, burqaphile. Bref, des exceptions à la tonne!

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