Notes de lecture sur une belle infidèle
Les
belles infidèles sont des traductions qui prennent des libertés par rapport au
texte d’origine. En est-il ainsi de la traduction du livre de David
Lagercrantz, Syndafall i Winslow ?
Le titre français, Indécence manifeste,
est assez loin du titre original, « Cas de péché à Winslow » ou « Chute dans le péché à Winslow ». Le
titre anglais en diverge moins : Fall
of Man in Winslow.
Mais
ce qui est le plus intéressant, c’est de voir comment, dans une traduction française
d’une œuvre suédoise, on rend compte d’une action qui se situe en Angleterre.
Des surprises nous attendent.
Ainsi
apprend-on que les écoles privées en Angleterre s’appellent des « private
schools » (p. 43*). Quel terme l’auteur avait-il utilisé en
suédois ? Je l’ignore. En tout état de cause, il est absurde d’employer
une expression anglaise incorrecte pour ajouter de la couleur locale au récit.
En Angleterre, les écoles privées s’appellent des public schools. Cela peut paraître absurde, mais pas plus que d’autres
appellations ou coutumes anglaises. Ainsi, à Cambridge (il est beaucoup
question de cette ville et de cette université dans le livre), les bals de fin
d’année (nos bals de « graduation ») ont lieu au cours de la May Week
qui, comme son nom ne l’indique pas, a lieu en… juin et dure… deux semaines.
Page
98, on lit que « le juge d’instruction… devait statuer sur la cause du
décès ». Le juge d’instruction est une institution française. Dans le
droit anglais, c’est le coroner qui préside les investigations médico-légales.
Ici, le traducteur a perdu une occasion de donner un peu de couleur locale à
son récit.
À la
page 106, il y a au menu « du shepherd’s
pie avec des haricots et des pommes de terre ». Le shepherd’s pie, c’est notre pâté
chinois. On voit mal pourquoi on y ajouterait un accompagnement de pommes de
terre. Quant aux haricots, cela n’est peut-être pas invraisemblable, les
Anglais ont l’habitude d’accompagner plusieurs plats de baked beans à la sauce tomate. Tout de suite après, on lit que les
protagonistes « décidèrent de boire de la mild ale avant de passer au sherry ». On peut penser ce que l’on
veut des habitudes gastronomiques anglaises, je crois qu’ici l’auteur pousse le
bouchon un peu loin.
Plus
tard, l’inspecteur Corell passe près de la chapelle de King’s College : « On
entendait de l’orgue et un chœur. Corell était attiré par la chaleur, la
lumière et l’odeur d’encens… » De l’encens dans la chapelle de King’s
College ? Invraisemblable. Car la chapelle est plutôt Low Church, courant
de l’église anglicane proche du protestantisme et qui refuse l’utilisation de l’encens
au contraire de la High Church, qui se rapproche davantage des pratiques catholiques.
Je
parlais, au début, de belles infidèles. Mais, au fond, on aurait tort
de mettre sur le dos du traducteur quelques insuffisances qui sont dues à l’auteur lui-même.
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* Références d’après l’édition
Actes Sud, 2016.
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