lundi 27 mars 2017

Une fiche terminologique peut-elle être imbuvable?


Dans une fiche de 2014, le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF) donne comme équivalent français de soda water et club soda le mot soda, tout court. Avec cette explication : « Le terme soda est un emprunt à l'anglais complètement intégré au français. » Complétée par la remarque : « Le terme soda désigne également une boisson non alcoolisée sucrée.» Ces deux affirmations appellent des commentaires.


Première affirmation : « Le terme soda est un emprunt à l'anglais complètement intégré au français. »


Commençons par citer la définition que le GDT donne de soda : « Eau traitée dans laquelle on a dissous du gaz carbonique sous pression. »


Et comparons-la à celle du Trésor de la langue français informatisé (TLFi) :

Vieilli. Soda-water ou soda. Eau gazéifiée par une solution de bicarbonate de soude. […]


Passons sur l’évolution technique dans la préparation du produit : anciennement à l’aide de bicarbonate de soude, aujourd’hui par du gaz carbonique. Il se dégage de la consultation du TLFi que ce sens du mot soda est vieilli.


Dans le même ordre d’idées, il convient de commenter une autre affirmation du rédacteur[1] de la fiche : « Les termes club soda et soda club sont surtout employés en Amérique du Nord dans l'industrie des boissons gazeuses. Ces emprunts à l’anglais sont déconseillés puisqu'ils entrent en concurrence avec soda, emprunt ancien désormais intégré au système linguistique du français. »


Il ne faut donc pas employer club soda ou soda club parce qu’ils concurrencent soda, « emprunt ancien ». Or, selon le TLFi, la plus vieille attestation de soda en français est dans l’expression soda water et elle date de 1814. Et la même expression est attestée au Québec (« fontaines à soda-water ») en 1844 (selon le Trésor de la langue française au Québec). Ce qui est ancien, ce n’est pas soda mais soda water. Puisque l’ancienneté est pour les terminologues endogénistes le critère de l’admissibilité d’un terme, c’est donc soda water que l’on doit retenir.


Dans le même ordre d’idée, signalons la remarque suivante qui apparaît dans la fiche « boisson gazeuse » : « Soda est un emprunt à l'anglais intégré et légitimé en français». Je n’aurais pas tiqué si l’auteur avait écrit : soda est un emprunt légitime. Mais légitimé ? On aimerait bien savoir par qui. Sûrement pas par l’OQLF qui a désofficialisé tous les termes relatifs aux sodas[2].


Seconde affirmation : « Le terme soda désigne également une boisson non alcoolisée sucrée. »


Il aurait d’abord fallu ajouter un mot dans la phrase précédente : Le terme soda désigne également une boisson gazeuse non alcoolisée sucrée. Et préciser que ce sens est le seul courant en français standard de nos jours.


Je l’ai déjà écrit, je le répète : les terminologues endogénistes ont une vision passéiste de la langue qu’ils cherchent à nous imposer. C’est ce que j’ai appelé le Grand Bond en arrière.





[1] On aura compris que, comme dans certains documents administratifs, le masculin est ici utilisé « pour alléger le texte ».
[2] Je constate au passage que la liste des retraits d’avis d’officialisation est inaccessible sur le site de l’OQLF. Le rapport annuel 2015-2016 mentionne « le retrait de la Politique de l’emprunt linguistique, publiée en 2007, ainsi que le retrait d’avis de recommandation et de normalisation de certains termes » (p. 15) sans fournir plus de détails.

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