Lionel
Meney a mis en ligne dans son blog sa critique du document Politique de l’emprunt linguistique de l’Office québécois de la
langue française (OQLF). Extrait :
L'absence de fondements scientifiques vérifiables se cache
derrière l'emploi de multiples critères d'acceptation ou de rejet des emprunts
aussi hétéroclites que peu crédibles. L'acceptabilité d'un mot anglais se
déduirait rationnellement à l'issue d'un long parcours algorithmique à travers
le filtre de ces critères. Leur nombre, leur hétérogénéité et le flou de leur
définition font qu'on aboutit à toutes sortes de décisions contradictoires. Tel
mot est accepté, tel autre ne l'est pas, mais on a souvent l'impression que le
contraire serait tout aussi possible à la lumière des mêmes critères… Ce
système à géométrie variable permet de sortir opportunément le critère qui
permettra d'accepter le mot qui plaît et de rejeter celui qui déplaît… En
réalité, pratiquement tous les emprunts de mots anglais seront rejetés, car
trop visibles, les emprunts masqués que sont les calques ou les anglicismes de
sens ayant plus grâce aux yeux de nos terminologues.
[…]
Autre critère arbitraire malgré sa dénomination
impressionnante : la « légitimité sociolinguistique au Québec ».
Le document ne dit pas qui détermine cette légitimité ni comment. Est-ce qu'on
procède par sondages auprès de la population pour savoir si tel mot est
légitime ou non ? Est-ce qu'on vérifie dans les médias s'il est fréquent
ou pas ? Est-ce que tous les Québécois sont d'accord sur le statut à
accorder à tel ou tel mot ? Est-ce qu'il n'y a qu'une seule manière de
parler au Québec ? J'ai développé ces questions sur la base de recherches
empiriques dans Le français québécois entre réalité et idéologie (Presses
de l'Université Laval, Québec, 2017). La réponse est évidemment qu'il n'y a pas
ici une seule légitimité sociolinguistique, mais au moins deux. Pourquoi l'OQLF
favorise-t-il l'une au détriment de l'autre ?
[…]
On en vient à penser que ce sentiment de légitimité est celui
que les terminologues de l'OQLF eux-mêmes veulent bien accorder ou non. En
effet, pourquoi fin de semaine serait plus légitime que week-end alors que les deux mots sont employés ici
pratiquement dans les mêmes proportions ? Pourquoi égoportrait – mot lourd et mal formé –
devrait-il être favorisé aux dépens de selfie alors que ce dernier est d'emploi plus
fréquent dans nos médias ? Idem pour démoniser – calque de l'anglais – alors que diaboliser, utilisé partout dans la Francophonie, lui aussi est plus
fréquent ?
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