Le 16 décembre 2017, j’ai mis en ligne un billet sur l’utilisation
des formules « fait à » et « signé à » qui apparaissent au
bas des documents administratifs au Québec. Le juge à la retraite Robert Auclair, président-fondateur de
l’Association pour le soutien et l’usage de la langue française, m’a fait remarquer que d’autres formules sont aussi utilisées. On constate, écrit-il, qu’il
y a plusieurs usages au Québec et pas seulement deux. Il poursuit :
Il
faut donc examiner la situation dans ce contexte.
Un peu d’histoire
L’ASULF
a constaté, il y a un certain temps, que les avis publics dans les journaux se
terminaient par l’emploi de plusieurs formules pour désigner le lieu et la date
de leur signature, mais à peu près jamais par « Fait à ». Elle a
alors commencé à inviter les personnes qui publiaient de tels avis à employer cette
formule, après avoir constaté que c’est celle qui est courante en français dans
le monde. Plus de trois cents lettres ! Voici les formules relevées :
- Édictée le ou ce (plutôt rare)
Édictée ce 21 janvier 2015
(Ville de Québec, avis paru le 30 janvier 2015)
- Daté le ou de (de temps en temps)
- Donné à (fréquent)
Lettre de la Ville de
Boucherville mentionnant que l’Office l’a informée que cette formule est
acceptable. […].
- Signé à (fréquent)
Signé à Québec, ce 27 avril
2017 (avis donné par le ministre Luc Fortin). Lettre d’un sous-ministre, Claude
Pinault, qui maintient cette formule, après avoir reçu un avis du service
linguistique de l’OQLF. […].
- Fait à (très rare).
- Absence de formule devant le nom du lieu
(assez fréquent)
Voilà
six façons de s’exprimer qu’a relevées l’ASULF, d’où sa démarche pour voir un
peu clair dans ces usages. On est loin du choix à faire entre « Fait à »
et « Donné à ».
La
majorité des personnes à qui j’ai proposé la formule « Fait à » l’ont
acceptée. Pour le constater, il suffit de prendre connaissance de la liste des
nombreux avis publiés dans les journaux. Il y a encore plusieurs personnes qui
emploient une autre formule. Certaines n’en retiennent aucune et mentionnent
tout simplement le nom de la ville. Je n’ai pas vu ailleurs dans le monde les diverses
formules québécoises susmentionnées. Je ne peux toutefois affirmer qu’elles ne
sont pas employées parce que je ne suis pas équipé pour faire une telle
recherche.
Position de l’Office
L’ASULF
n’a rien trouvé dans le Grand
Dictionnaire Terminologique concernant ces formules. Tout au plus a-t-elle
pu apprendre, par les deux lettres susmentionnées, que l’Office a donné un avis
à ce sujet lorsque la question lui a été posée. J’aurais aimé que d’autres
personnes consultent l’Office sur les formules « Édicté » et
« Daté ». Ce dernier les aurait peut-être acceptées également. On
aurait eu un beau cocktail !
Ce ne
sont pas tant les deux réponses de cet organisme qui me surprennent que le
motif qu’il invoque dans chaque cas pour les justifier, à savoir que c’est une
formule légitimée (?) dans l’usage administratif et juridique ou dans la
langue juridique et officielle et qu’elle s’intègre bien au système
linguistique du français. Voilà une affirmation qui m’agace. Ça dépasse
l’entendement quand on connaît l’histoire de la langue officielle chez nous. Et
c’est cette orientation que j’ai dénoncée dans une lettre à l’Office.
Je
constate aussi que l’Office se contente d’admettre que « Fait à » est
utilisé ailleurs. Il s’abstient bien de privilégier l’emploi de cette formule.
C’est comme s’il avait mission de promouvoir, à l’image de son appellation, une
langue québécoise avec toutes ses variétés, de préférence à la langue
française.
La langue juridique depuis
1763
C’est
à partir de 1763 que le droit public anglais a été introduit chez nous, ce qui
veut dire le droit constitutionnel, le droit administratif, le droit commercial
et le droit pénal. Dans tous ces domaines, les Québécois ont été gavés de
textes traduits de l’anglais, littéralement la plupart du temps. C’est dans la
langue juridique qu’a commencé la pollution de notre langue. Elle s’est étendue
ensuite dans la langue en général, infiltrant même nos lois civiles
d’inspiration française. Voilà une réalité que personne ne conteste. À mes yeux,
s’il y a une source dans laquelle il faut puiser avec méfiance en matière de
langue, c’est bien notre langue officielle.
Quelqu’un
répliquera sûrement que la situation s’est améliorée depuis et que la langue
publique au 21e siècle n’est plus ce qu’elle était. C’est
exact. Il ya a eu progrès, et même un grand progrès, c’est incontestable. Mais
de là à faire une référence de cette langue dite améliorée, un instant !
La langue juridique en 2017
Il y
a quelques semaines à peine, j’ai pris connaissance d’un acte de procédure
rédigé par des avocats pour le compte de juges en chef de la Cour supérieure
dans une action en justice contestant la compétence de la Cour du Québec. Il ne
s’agit pas ici d’un langage de boulevards, mais bien du vocabulaire choisi par des
juristes dans un contexte juridique très important. J’y ai relevé une dizaine
de fautes grossières, des péchés mortels dans mon vocabulaire judéo-chrétien.
Incroyable, mais vrai. Il vaut la peine de prendre connaissance de ce relevé […]
pour constater la véracité de mon affirmation.
Quitte
à me répéter, il est inconcevable qu’on se contente de la langue juridique ou
officielle au Québec pour justifier le bien-fondé d’une appellation en
français. C’est le comble! Ma tension monte d’un cran, je deviens mauraissien.
Conclusion
Il
faut continuer de promouvoir l’emploi de la formule « Fait à » et
dénoncer, le cas échéant, la position de l’Office.
Pour lire le texte de M. Auclair inclus dans mon billet du 16 décembre 2017, cliquer ici.
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