lundi 17 décembre 2018

Les porteurs de sens


Dans sa livraison du week-end dernier, Le Devoir nous offrait un article sur le cuir végane, textile fabriqué à partir de fibres végétales et destiné à remplacer le cuir animal.


L’Office québécois de la langue française (OQLF) a décrété que le mot végane est fautif. Selon une porte-parole de l’organisme citée par Le Devoir, végane « n’est pas porteur de sens en français ». Il est pourtant déjà défini dans les dictionnaires Hachette, Robert et Larousse !


Dans sa dernière Politique de l’emprunt linguistique, l’OQLF nous avait appris que le mot selfie, utilisé quotidiennement par des millions de francophones, ne s’intègre pas au système linguistique du français. Comment ces personnes réussissent-elles donc à parler français avec des mots qu’ils ne sont pas capables d’intégrer dans leur langue ? Maintenant on nous fait savoir que le mot végane, peut-être moins fréquent que selfie mais qui doit tout de même être utilisé chaque jour par quelques miliers de personnes, n’est pas porteur de sens. Ces milliers de francophones parlent-ils donc pour ne rien dire ?


Le Larousse a aussi réussi à trouver un sens à un mot dérivé de végane, véganisme. Depuis 2015, le mot y est défini ainsi : « mode de vie alliant une alimentation exclusive par les végétaux (végétalisme) et le refus de consommer tout produit (vêtements, chaussures, cosmétiques, etc.) issu des animaux ou de leur exploitation. »


Le Dictionnaire des difficultés de la langue française de Tristan Grellet a sur végane un article fort instructif que je me permets de reproduire :

Ce nom et adjectif, récemment créé, apparaît fréquemment sous des graphies diverses.
Les principaux dictionnaires français offrent chacun une écriture différente de végane. Hachette a été le premier à faire entrer le mot dans son dictionnaire, en 2012, sous la forme végan, ane. Robert a suivi avec végane en 2014. Enfin Larousse, jusque-là prudent, ne s’est pas trop engagé en proposant l’année suivante végan, ane (comme Hachette) ainsi que vegan, invariable en nombre et en genre.
La graphie à l’anglaise vegan (prononcée à la française « végane » !) doit être écartée. La forme végan, ane, plus conforme à la langue de Molière, est satisfaisante, mais elle a l’inconvénient, au masculin, de ne pas correspondre à la prononciation adoptée par les véganes français. Comme le suggère l’entrée de cet article, c’est l’orthographe végane qui a notre préférence. Si elle n’est pas sans défaut (la francisation est paresseuse), elle a le mérite d’être épicène et d’avoir été choisie par la Société végane elle-même.



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