Je viens d’apprendre le décès, le mois
dernier, d’Aina Moll i Marquès, figure marquante du combat linguistique catalan.
Preuve de l’importance historique d’Aina
Moll, l’actuel président de la Generalitat de Catalogne, Quim Torra, a assisté à
ses obsèques :
La philologue Aina Moll était la fille aînée
de Francesc de Borja Moll qui collabora avec le chanoine Antoni M. Alcover
(prêtre, linguiste, folkloriste, architecte de plusieurs églises, journaliste :
excusez du peu !) au Diccionari
català-valencià-balear, aussi connu sous le nom de Dictionnaire Alcover-Moll. Elle aida son père à terminer l’œuvre
d’Alcover.
J’ai rencontré Aina Moll pour la première
fois à Mexico en août 1982 à l’occasion du Xe Congrès mondial
de sociologie. C’est alors que j’appris que, pour les Catalans, le mot
normalisation ne signifiait pas l’officialisation d’un terme par sa publication
à la Gazette officielle, comme au Québec, mais la récupération de l’usage
normal d’une langue victime d’un processus séculaire de minoration. À l’époque,
on ignorait au Québec que la Catalogne avait entrepris la rédaction d’une loi
linguistique qui aurait autant d’importance historique que notre Charte de la
langue française.
J’ai eu l’occasion par la suite de revoir Aina
Moll lors des quelques séjours qu’elle a faits au Québec.
Aina Moll a été la première
directrice générale de la politique linguistique de la Generalitat de
Catalogne.
Elle est à l’origine
de la première campagne de
sensibilisation pour lancer le projet de normalisation de l’utilisation du
catalan. Rappelons le contexte, semblable à celui qui est vécu à
Montréal : la population catalanophone avait pris l’habitude de passer au
castillan (c’est-à-dire à l’espagnol) dans ses relations avec les personnes
parlant cette dernière langue et ce, tant dans services publics que dans les
relations privées avec les voisins, les commerçants, etc. Dès qu’un
catalanophone était en présence d’un inconnu, l’usage de l’espagnol s’imposait.
Et la raison invoquée le plus souvent pour justifier ce comportement était le
besoin de se montrer poli et respectueux de la langue de l’autre. Quant aux
hispanophones, ils s’adressaient en espagnol à tout le monde, même aux
personnes de langue maternelle catalane. Quand on leur demandait de justifier
leur comportement, ils répondaient que, s’ils ne voulaient pas parler catalan,
c’était par peur de commettre des fautes. Pour contrecarrer ces habitudes, les
autorités catalanes ont lancé une campagne de sensibilisation basée sur le
personnage d’une petite fille impertinente appelée Norma, prénom qui évoquait
évidemment la normalisation linguistique souhaitée (en fait, la petite fille
s’appelait « la Norma », car, en catalan, on utilise l’article avec
les prénoms). La publicité utilisait un slogan mobilisateur : « le
catalan, c’est l’affaire de tout le monde » (« El català, cosa de
tots »).
La petite Norma, fillette d’une douzaine d’années,
est apparue dans des publicités filmées, des bandes dessinées, des émissions de
radio et un court-métrage où elle véhiculait un message critique et souvent
impertinent. Comme me l’a expliqué Aina Moll, ce type de message critiquant le
comportement des adultes aurait été inacceptable dans une publicité
traditionnelle émanant des pouvoirs publics mais il perdait son caractère
offensant dans la bouche d’une petite fille présentée comme impertinente. C’est
ainsi qu’elle se permettait de demander à son père pourquoi il parlait espagnol
plutôt que catalan avec des inconnus.
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