À plusieurs reprises (par exemple, ici), j’ai
écrit dans ce blog que le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) de l’Office
québécois de la langue française (OQLF), qui prétend orienter l’usage, peine en
fait à le suivre et à le décrire. J’en trouve un nouvel exemple dans cette
vidéo de la France insoumise sur le lawfare
(création à partir warfare) dont est
victime son chef :
Le mot n’apparaît pas dans les
dictionnaires courants de la langue anglaise que j’ai consultés (Oxford,
Webster, Collins). On en trouve
une définition dans Wikipédia : « Lawfare is a form of war
consisting of the use of the legal system against an enemy, such as by damaging
or delegitimizing them, tying up their time or winning a public relations
victory. » Termium, dans une fiche du domaine de la
stratégie militaire, le traduit par « guerre du droit ». Le
terme est absent du GDT, qui s’en étonnera ?
Le terme anglais est maintenant utilisé en
français et son acception s’élargit, comme l’indique cet extrait d’un article
de Libération (« ‘Lawfare’ : pourquoi il faut prendre Jean-Luc Mélanchon au sérieux », 24 septembre
2019) :
Ce terme anglais est utilisé, au moins
dès 1975, par John Carlson et Neville Yeomans pour mettre en avant le caractère
utilitariste du droit occidental (par opposition notamment à la tradition
juridique chinoise), le fait d’en user comme une arme plutôt que comme un moyen
pour atteindre l’harmonie et l’équilibre. L’anthropologue John Comaroff (2001)
l’emploie pour désigner l’usage du droit comme moyen de domination en contexte
colonial et postcolonial. Le terme est ensuite popularisé par le général
Charles Dunlop et les milieux néoconservateurs américains comme instrument mis
ouvertement au service de la guerre. Comme tous les concepts, il évolue et fait
l’objet de divers usages. Mais avant comme maintenant, il permet de mettre en
exergue le caractère utilitariste du droit aux dépens justement de la justice.
La forme de lawfare telle
que mentionnée dans l’appel «Stop lawfare» a ceci de spécifique qu’elle s’appuie
également sur l’instrumentalisation des médias pour faciliter des
condamnations, et ce même sans élément probant. L’affaire Lula en est un cas
d’école depuis les révélations du site d’investigation The Intercept. Et c’est là un phénomène d’autant plus
inquiétant. Car affirmons-le ici : nulle part sur Terre la justice n’est
totalement indépendante des rapports de pouvoir et du contexte dans lequel elle
opère. Or, en condamnant médiatiquement La France insoumise et Jean-Luc
Mélenchon, alors que sur le fond il n’y a même pas de mise en examen, une bonne
partie des médias contribue depuis près d’un an à rendre le contexte
défavorable à une justice sereine. Et, compte tenu de ces circonstances, on ne
peut reprocher à Jean-Luc Mélenchon et La France insoumise de faire valoir
leurs droits mais aussi de tenter de rétablir leurs réputations en dénonçant
une instrumentalisation de la justice à des fins politiques.
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