lundi 14 novembre 2011

Le français et son image de marque




L'OQLF a lancé hier une campagne de sensibilisation pour convaincre les entreprises dont la marque de commerce ne comporte aucune inscription en français de se conformer à la Charte de la langue française. Celle-ci permet l'utilisation d'une marque de commerce unilingue anglaise, mais impose dans ce cas que le nom soit accompagné d'un terme descriptif ou d'un slogan en français.
Le Devoir, 14 novembre 2011

L’article du Devoir reprend en substance le communiqué diffusé par l’Office québécois de la langue française le 13 novembre et renvoyant au site Respect de la loi où on peut lire : « […] l’Office souhaite rappeler aux entreprises que la Charte ne les oblige pas à traduire une marque de commerce qui est une expression dans une autre langue que le français, mais qu’elle prévoit toutefois que cette marque doit être accompagnée d’un mot ou d’une expression descriptive (générique) en français, ou encore d’un slogan en français qui décrit les produits ou les activités de l’entreprise. […] Respecter la Charte de la langue française dans l’affichage d’un nom d’entreprise, c’est au minimum afficher un descriptif en français lorsqu’on affiche une marque de commerce dans une autre langue. » 

Les entreprises sont-elles obligées, lorsqu’elles affichent une marque de commerce, d’y adjoindre une description en français ? Voici ce qu’écrivait le Conseil de la langue française en 2000 :


Le Conseil s'est penché sur l'introduction de diverses mesures pour que la prolifération de l'affichage des marques de commerce ne porte pas atteinte à la visibilité du français au Québec.
Il a étudié sérieusement la possibilité d'imposer l'ajout d'un terme générique en français, lorsque la marque de commerce est rédigée dans une autre langue. En effet, la réglementation actuelle sur l'affichage ne prévoit pas d'obligation en ce sens. Lorsqu'il n'existe pas de version française, une entreprise a le droit d'afficher une marque de commerce rédigée uniquement dans une autre langue. Selon l'hypothèse étudiée par le Conseil, un établissement serait tenu d'ajouter un terme comme « magasin », « entreprise », « boulangerie », « quincaillerie », etc., devant une marque de commerce libellée en langue étrangère, lorsque cette marque de commerce sert à identifier un établissement commercial.
Cette hypothèse soulève bon nombre de difficultés. Une marque de commerce forme un tout, protégé par des lois et des accords internationaux; son utilisation s'inscrit souvent dans une stratégie de mise en marché d'un produit ou d'un service, stratégie internationale, voire mondiale. Tout ajout dans son affichage pourrait porter atteinte à son intégrité et aux objectifs de visibilité commerciale de l'entreprise qui en possède les droits exclusifs. De plus, pour de nombreuses marques de commerce, le choix d'un générique ne s'impose pas d'emblée et pourrait rendre la situation encore plus confuse aux yeux des consommateurs. Enfin, il a paru évident qu'il n'était pas possible de trouver une solution unique pour couvrir une multitude de cas particuliers.
Pour ces raisons, le Conseil n'a pas retenu l'hypothèse mentionnée précédemment.


Je suis allé vérifier sur le site de l’Office au cas où le règlement sur la langue de commerce et des affaires aurait été modifié depuis la publication de l’avis du Conseil. Il s’avère que le règlement n’a pas été modifié depuis 1993. Voici ce qui concerne l’affichage des marques de commerce :


25.  Dans l'affichage public et la publicité commerciale, peuvent être rédigés uniquement dans une autre langue que le français:

 4°    une marque de commerce reconnue au sens de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C. 1985, c. T-13), sauf si une version française en a été déposée.


Dès lors on comprend pourquoi le communiqué de l’Office affirme que la campagne de francisation des marques de commerce affichées se fera dans un esprit de collaboration et non de confrontation. Ce faisant, l’Office met en œuvre en 2011 une recommandation de l’avis de 2000 du Conseil :


QUE l'Office de la langue française exerce davantage son rôle de service et de soutien à la francisation des noms d'entreprises et de l'affichage des établissements commerciaux, en proposant, aux établissements qui s'identifient par une marque de commerce, une série de mesures visant à accroître la présence du français dans leur affichage.



J’invite les personnes inquiètes de la situation de l’affichage à Montréal à lire l’Avis sur l'affichage du nom d'entreprise du Conseil de la langue française. La question des marques de commerce relève d’un processus de règlementation à l’échelle mondiale. Le Conseil notait en 2000 :


L'irritation que suscite l'affichage de nombreuses marques de commerce libellées en anglais ne se manifeste pas seulement dans les sociétés de culture française; elle s'est exprimée ailleurs dans le monde, comme, récemment, en Chine et en Allemagne. Cependant, il est utile de signaler que la protection juridique internationale des marques de commerce s'applique indépendamment de la langue; rappelons l'exemple du Cirque du Soleil qui peut s'afficher sous son nom français aux États-Unis et dans d'autres pays, sans que les États en cause puissent exiger la traduction de son nom d'entreprise.
Le Conseil juge difficile de remettre en question un processus juridique mondial qui a débuté il y a plus de cent ans. Toutefois, si le Québec ne peut agir unilatéralement, il peut exprimer ses préoccupations dans les forums internationaux qui traitent du respect et de la promotion de la diversité culturelle et des langues nationales. L'affichage, en général, et celui des marques de commerce, en particulier, mériteraient de faire l'objet de négociations internationales.
Le Québec pourrait faire des représentations pour promouvoir l'avantage qui existe pour les entreprises d'adopter une approche plurilingue dans la diffusion et l'implantation de leurs marques de commerce afin de rejoindre avec plus d'efficacité les consommateurs auxquels les produits et services sont destinés; pour promouvoir également l'avantage qu'ont les États à assurer le respect de leur langue officielle.
En conséquence, le Conseil de la langue française recommande :

3.   QUE, dans les discussions sur la promotion de la diversité culturelle et des langues nationales auxquelles il participe, le gouvernement du Québec inclue la question de l'affichage des marques de commerce.


Je ne sache pas que cette dernière recommandation ait été mise en pratique.

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