lundi 18 janvier 2016

Coffice

J’ai rappelé, dans un billet récent, que l’Office (alors pas encore québécois) de la langue française avait créé dans les années 1970 une équipe de néologie dont la mission était de détecter le plus tôt possible les néologismes apparaissant en anglo-américain pour leur trouver des équivalents français. Le mot coffice n’aurait pas échappé à leur attention, ce qui est malheureusement le cas du Grand Dictionnaire terminologique :




Le coffice a fait l’objet récemment d’un article dans Le Monde, repris dans Le Devoir du 16 janvier :

Le «coffice», ou mon bureau au bistrot
Entre le café et le lieu de travail, le concept fleurit dans le monde
Bosser au troquet? Une habitude, désormais, pour les travailleurs nomades. À tel point que fleurissent les « coffices », un compromis entre le café et le bureau.
[…]
Surfant sur la tendance nomade des travailleurs, une nouvelle génération d’établissements, les cafés-bureaux, commence à ouvrir en France. L’idée serait née en Corée, avant de se développer aux États-Unis où les « coffices », contraction de « coffee » et « office », font fureur.

Dans ces lieux, on ne facture pas les consommations, mais le temps passé. À l’intérieur, accès wi-fi gratuit, boissons et encas à volonté.

C’est aussi en partant de son besoin personnel que Leonid Goncharov, 26  ans, a fondé le premier Anticafé à Paris, en 2013. Deux ans après, trois autres établissements ont déjà vu le jour, dont un à Rome.

Pour 3 à 5 euros l’heure, selon la formule choisie, membre régulier ou visiteur, le concept séduit une génération ultraconnectée qui y va pour travailler mais aussi pour trouver du lien social, le tout dans une ambiance décontractée — plus « barbe de trois jours et bonnet » que « costume-cravate ».


Comme j’ai bien connu l’initiateur de l’équipe de néologie à l’Office, je crois bien qu’il aurait fait valoir que travailler au café faisant partie de la tradition intellectuelle de la France il est par conséquent inutile de trouver un mot nouveau.

Sartre en plein travail au Café de Flore


Le mot coffice est d’autant plus inutile en français que de mauvais esprits pourraient y voir un mot-valise formé de con et office.


*   *   *

Tant qu’à y être, et puisqu'il n'y a plus guère de « mémoire institutionnelle » à l’Office (québécois) de la langue française, je préciserai que l’initiateur des travaux de terminologie a été l’écrivain Gilles Leclerc (Le Journal d’un inquisiteur, 1960).

 
Gilles Leclerc (1928-1999)

Son bras droit était Stéphane Golmann. Ce dernier a participé au débarquement allié en Afrique du Nord puis il s’est fait connaître comme auteur-compositeur-interprète à la grande époque de Saint-Germain-des-Prés.


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