Continuons
l’analyse, commencée hier, de la fiche « djihad » du Grand Dictionnaire
terminologique (GDT) de l’Office québécois de la langue française (OQLF). Et
commençons par citer la définition du mot :
Précepte coranique
qui invite les musulmans pratiquants à faire des efforts sur eux-mêmes pour
s'élever spirituellement ou moralement.
La définition est
suivie d’une note qui ne semble guère avoir de rapport avec elle :
Il existe plusieurs
niveaux de « combat », à proprement parler, et chaque pratiquant ou
chef religieux peut adhérer à l'un ou à l'autre. L'une des formes de combat
peut être une lutte personnelle contre ses pulsions intérieures, de manière à
les dominer. La forme de combat extrême serait un combat physique contre ce qui
est jugé comme une agression contre la foi musulmane.
Que vient faire le
mot combat dans la note, mot qui n’est
pas mentionné dans la définition et, qui plus est, est mis entre guillemets, ce
qui suppose un lien avec ce qui précède ? Serait-ce parce qu’on aurait
omis un élément essentiel de la définition ? En effet.
Le Larousse en ligne
donne deux sens à djihad : 1) effort
sur soi-même pour atteindre le perfectionnement moral et religieux (formulation
que semble avoir reprise le GDT en la modifiant quelque peu) ;
2) combat, action menée pour étendre l’Islam et, éventuellement, le
défendre. (C’est abusivement que le mot est employé au sens de « guerre
sainte ».)
Le dernier sens est
évacué de la définition du GDT, on se demande bien pourquoi (ou peut-être
croit-on le deviner : réflexe de bien-pensance).
D’autres
ouvrages font moins dans l’irénisme que le GDT. Ainsi Wikipédia :
En arabe, ce terme signifie « effort »,
« lutte » ou « résistance », voire « guerre menée au
nom d'un idéal religieux ».
L'islam compte quatre types de jihad : par le cœur,
par la langue, par la main et par l'épée. Le jihad par le cœur invite les
musulmans à « combattre afin de s'améliorer ou
d'améliorer la société ». Le jihad peut aussi être interprété comme
une lutte spirituelle, dans le cadre du soufisme par exemple, mais aussi armée.
Cette dernière interprétation a pu servir d'argument à différents groupes
musulmans à travers l'histoire pour promouvoir des actions contre les
« infidèles » ou d'autres groupes musulmans considérés comme
opposants et révoltés.
Et
maintenant l’Encyclopædia Universalis :
Le mot arabe jihād
indique « un effort tendu vers un but déterminé ». Souvent traduit
par « guerre sainte » dans les langues occidentales, le djihad a
varié au cours des siècles dans sa conception comme dans son application. Ce
n'est pas un devoir personnel, c'est un devoir collectif s'adressant à
l'ensemble de la communauté musulmane (umma),
et dont les règles précises ne furent fixées qu'après la mort du Prophète. […] Le
djihad est […] une institution divine pour propager l'islam dans le dār
al-harb (les territoires non encore gagnés à l'islam, décrits comme
le domaine du combat) ou pour défendre l'islam contre un danger. Pour être
légitime, il doit avoir des chances raisonnables de succès. Mais le djihad
n'est pas une guerre sainte d'extermination : dans sa version offensive,
dirigée contre les peuples infidèles voisins du « territoire de
l'islam », ceux-ci, avant d'être combattus, doivent être invités à se
convertir. Juifs et chrétiens, en qualité de « gens du Livre »
croyant en un seul Dieu, peuvent devenir « protégés » (dhimmī)
par la communauté musulmane. Ils jouissent alors d'un statut privilégié et
conservent le libre exercice de leur culte, moyennant le paiement d'un impôt de
capitation, la jiziya.
Voyons
enfin ce que dit l’Encyclopædia Britannica :
Jihad, also spelled jehad, (“struggle”,
or “battle”), a religious duty imposed on Muslims to spread Islam by waging
war; jihad has come to denote any conflict waged for principle or belief and is
often translated to mean “holy war.”
Ce
dernier sens est fréquent dans la presse québécoise :
Le Journal de Montréal, 17 décembre 2015 |
Le
GDT, qui ne cesse de nous bassiner avec sa « langue courante », qui n’ose
plus critiquer l’usage du mot vidanges
(ordures ménagères) puisqu’il fait partie de « la langue courante au
Canada français depuis plus d’un siècle », n’a pas retenu le sens le plus
courant du mot djihad dans les médias
québécois. Il préfère donner une définition irénique. Concluons : le
politiquement correct est dorénavant un critère de rédaction d’une définition
terminologique.
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